Sommet UA 2019 : Discours de SEM. MOUSSA FAKI MAHAMAT, Président de la Commission de l’Union Africaine
Le 7 Juillet 2019 à Niamey, à l’occasion du 12ème Sommet extraodinaire de l’Union Africaine pour le lancement de phase opérationelle de la Zone de Libre – Echange Continentale Africaine (ZLECAf), SEM. MOUSSA FAKI MAHAMAT, President de la Commission de l’Union Africaine a prononcé un discours dont voici l’intégralité:
« Excellence Monsieur Abdel Fattah Al Sissi, Président de la République Arabe d’Egypte, Président en exercice de l’Union africaine,
Excellence Monsieur Issoufou Mahamadou, Président de la République du Niger et Champion de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine,
Majestés, Excellences Mesdames Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Mme Amina Mohammed, Vice-Secrétaire Général des Nations Unies,
Monsieur Roberto Azevedo, Directeur général de l’OMC,
Distingues Invites,
Mesdames Messieurs,
Un rêve, un vieux rêve se réalise. Envisagé dès le sommet inaugural de l’OUA en mai 1963, la Zone de Libre Echange Continentale Africaine que nous lançons aujourd’hui est l’un des projets les plus emblématiques de l’Agenda africain. Les Pères Fondateurs doivent en être certainement fiers. Kwame Nkrumah, Jamal Abdel Nasser, Haile Selassie, Hamani Diori et les autres doivent se dire enfin !
Aussi, permettez-moi, Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement, de vous exprimer nos remerciements pour votre soutien et engagement personnel qui ont permis cette inestimable réalisation.
Une mention particulière à S.E. Issoufou Mahamadou, Président de la République du Niger et champion de la ZLECAf, pour son leadership et son engagement à conduire avec succès l’exaltante mission que vous lui aviez confiée.
En effet, j’en étais témoin, il a piloté de main de maître, avec foi, passion et détermination, tout le processus qui a abouti à cette rencontre historique d’aujourd’hui.
C’est également l’occasion de saluer le remarquable travail de la Commission notamment le Département du Commerce et de l’Industrie, sous la direction du Commissaire Albert Muchanga, les Ministres et Experts Africains ainsi que nos partenaires, la CEA, la BAD, l’OMC, pour leur contribution.
Adopté et ouvert à la signature le 21 mars 2018 à Kigali, l’Accord sur la ZLECAF a enregistré à sa naissance 44 signatures, chiffre record dans les annales de l’architecture juridique de notre Union. Et une année à peine, le nombre de signature est passé à 52 et, avec la signature du Benin et du Nigeria, nous sommes à 54 (la presque totalité des membres de l’UA) et 27 ratifications déposées.
Entré en vigueur le 30 mai 2019, la ZLECAf devient ainsi le plus grand espace d’échange commercial au monde. L’Afrique, avec une population estimée à 1,27 milliard de personnes, devrait atteindre 1,7 milliard d’ici à 2030 et 2,5 milliards d’ici à 2050, soit 26 % de la population mondiale en âge de travailler, et près de 70% de de cette population a moins de 30 ans et plus de la moitié est constituée des femmes.
La croissance de l’économie africaine devrait être deux fois plus rapide que celle du monde développé. L’Afrique est le deuxième continent le plus grand et le deuxième plus peuplé du monde.
Ces ordres de grandeur témoignent du gigantesque potentiel dont recèle l’Afrique. Sachons en tirer les bénéfices, les dividendes en faveur de nos populations majoritairement constituée de jeunesse.
Excellences,
Mesdames Messieurs,
Grace au travail remarquable de nos ministres et experts, la ZLECAf sera dès son lancement soutenue par des règles d’origine bien définies, des listes de concessions tarifaires dans le commerce de biens, d’un mécanisme en ligne de surveillance et d’élimination des barrières non tarifaires continentaux, d’une plate-forme panafricaine de paiements et de règlements numériques, une application Web et mobile pour les entreprises, ainsi qu’un portail de l’Observatoire africain du commerce.
Les rapports soumis à votre Conférence comporte plusieurs instruments juridiques accompagnant l’Accord lui-même dont 3 Protocoles, des mécanismes et des modalités de sa mise en œuvre qui, sans nul doute, nous permettrons de surmonter tous les obstacles au commerce.
Excellences,
Mesdames Messieurs,
L’entrée en vigueur relativement rapide est une fierté pour nous tous. L’une des caractéristiques de la ZLECAF est qu’elle renferme une diversité de situations économiques, géographiques, démographiques, allant des plus petites aux plus grandes, avec un PIB de un à 350 milliards de dollars américains.
Plus qu’une zone de libre-échange, la ZLECAF est l’un des outils par excellence pour la réalisation de l’intégration en droite ligne des objectifs du Traité d’Abuja et des aspirations de l’Agenda 2063.
Il est évident que l’opérationnalisation de la ZLECAF est de nature à favoriser l’entreprenariat, l’emploi de la jeunesse et l’émancipation des femmes, cette jeunesse africaine en proie à toutes les tentations (exode rural, migration, trafic, criminalité transfrontalières).
Nous sommes au Niger, pays de transit. Nous sommes à la frontière de la Libye ou des centaines de milliers de migrants africains vivent l’horreur de la mort et de l’humiliation. Nous sommes interpellés. Il nous faut agir et agir maintenant.
La ZLECAF ne pourra être effective si l’on n’ouvre pas les frontières aux africains. Je voudrais mettre l’accent sur l’impérieuse nécessité de ratifier le Protocole sur la libre circulation qui est une condition à la liberté du commerce.
Il est en effet paradoxal et inexplicable que les Africains se sentent, encore aujourd’hui, étrangers chez eux, subissent un régime de visas moins favorable par rapport aux autres citoyens du monde, comme cela apparait dans certains de nos États. De même les États membres doivent commencer à vulgariser la distribution du passeport panafricain qui est un merveilleux outil pour la promotion de l’identité africaine.
L’autre prérequis de l’intégration commerciale est la réalisation des infrastructures qui permettront l’interconnexion des pays et des régions (routes, chemin de fer, ponts, aéroports, énergie, télécommunication).
Excellences,
Mesdames Messieurs,
Je ne saurai terminer mon propos sans mettre en exergue le rôle central de la consolidation de la paix et de la sécurité sur notre continent.
Il serait illusoire de parler de commerce ou de développement sans la paix et la sécurité. Le Niger (parce que nous y sommes) le Tchad, le Cameroun, pays à vocation agropastorale et dont le marché est le Nigeria, le vivent au quotidien depuis plusieurs années. La filière bétail est par exemple, pratiquement arrêtée à cause de Boko Haram. Les pays du Sahel consacrent par ailleurs près d’un tiers de leur budget à la sécurité au détriment des secteurs sociaux, véritables moteurs de développement. Pareilles situations s’observent aussi dans la Corne de l’Afrique et la région des Grands Lacs.
Dans ce contexte, notre défi majeur est de réaliser de manière concrète l’autre projet-phare de l’Agenda 2063, celui de «faire taire les armes à l’horizon 2020», retenu d’ailleurs comme thème de l’année 2020.
Je reste persuadé que Niamey marquera à jamais l’histoire contemporaine de l’Afrique en ouvrant une ère nouvelle qu’il faille absolument consolidée.
Je vous remercie pour votre aimable attention. »