SOCIETE : M. Salou Gobi entre sanction inopportune et vacarme sur le devoir de réserve
Le Journaliste- fonctionnaire de l’Etat, Directeur de la Production à l’Office de Radiodiffusion Télévision du Niger (ORTN) a été relevé de son poste, le mardi 14 janvier 2020. Ceci allait passer inaperçu au même titre que sa nomination si 48 heures plutôt M. Gobi n’avait pas pris la parole en public. En effet, selon toute vraisemblance, cette décision est une sanction administrative contre M. Gobi qui a donné son opinion en témoignant des faits relatifs à la situation sécuritaire qui prévaut dans la région de Tillabery avant de proposer : « Il faut faire partir tout le Gouvernement et à sa tête le Président de la République parce que c’est une haute trahison, si on doit mourir pour ça, on est prêt à mourir pour ça ».
Cela s’est passé, dimanche 12 Janvier 2020 dans l’après-midi, lors d’une rencontre publique citoyenne organisée par l’état-major de la société civile nigérienne au siège de l’Association Alternative Espace Citoyen (AEC). Pour l’essentiel, M. Salou Gobi a rapporté des faits à la fois révoltants et inquiétants : des rebelles (ndlr : des individus armés) qui ont joint au téléphone des chefs de village (Fonbita, Karta, Téra, Kourékou) et les menacer de leur collecter l’impôt. Les chefs de villages ayant alerté le Préfet seront immédiatement joints par les mêmes individus armés qui ont laissé entendre : « Vous venez d’appeler le Préfet, appelez Issoufou (ndlr Le Président de la République)…Il sait qui nous sommes ».
« Ça je vous le dis sous serment. Et si je suis aujourd’hui parmi vous, c’est parce que je suis outré….je suis journaliste, agent de l’agent, je suis tenu au devoir de réserve mais devant cette situation, celui qui se tait est complice » avait asséné M. Salou Gobi devant l’assistance.
Quelle appréciation de la décision-sanction contre M. Gobi ?
Les faits ci-dessus rapportés par M. Salou Gobi, sont-ils vérifiés ? M. Salou Gobi a-t-il recueilli et divulgué ces informations dans l’exercice de ses fonctions de journaliste ou de Directeur de Production ? La Constitution reconnait-elle au citoyen nigérien M. Salou Gobi la liberté d’opinion et de pensée fut-il un agent assermenté de l’administration publique ? Telles sont, entre autres, interrogations que tout le monde se pose dans les salons de Niamey.
Si certains reprochent à Salou Gobi d’avoir extrapolé en accusant le Président de la République de haute trahison et demander son départ ainsi que celui du Gouvernement, d’autres constatent simplement qu’il n’a pas injurié, insulté, diffamé un individu ou jeté l’anathème sur quelque institution de la République. Quoique considérée comme un non évènement, cette affaire rappelle la sanction infligée au Dr Dillé Issimouha, Médecin spécialiste à l’Hôpital National de Niamey, et à M. Traoré Daouda Amadou, promoteur du quotidien Privé « Le Matinal » révoqué de son poste d’attaché de Presse au Cabinet du Premier Ministre … C’est à croire que sous le régime de la Renaissance du Niger qui prône la modernisation administrative, politique et sociale, les mal-pensants du régime n’ont pas leur place dans l’administration publique et ce, quelle que soit leur compétence. Or, tout fonctionnaire de l’Etat n’est pas forcément un serviteur du régime politique en place. Par-dessus tout, il est au service de son pays. La priorité du fonctionnaire est de servir le public. Cependant, il reste entendu que pour l’agent de l’Etat assermenté, le devoir de réserve est une exception au principe de la liberté de parole, d’opinion et de pensée. Tout fonctionnaire de l’Etat le sait. M. Salou Gobi en a parfaitement conscience.
Ce charivari traduit également le niveau criard de la politisation et de l’instrumentalisation de l’administration publique. Clairement expliqué, sous la Renaissance, les fonctionnaires de l’Etat aux postes nominatifs (décret ou arrêté) n’ont pas droit à la liberté d’opinion ou de pensée autre que l’opinion et la pensée des Maestro du régime. Dans le même ordre d’idée, il parait évident que par crainte d’exprimer ses opinions sur la vie de la Nation un opposant, quelles que soient ses compétences, ne peut être nommé à la place qu’il faut du seul fait que ses opinions pourraient être en déphasage avec celles des ténors du pouvoir en place. Ouid de tous les beaux discours sur la dépolitisation de notre administration?
De l’opportunité de la décision-sanction
Si après vérification les faits rapportés par M. Salou Gobi, sont faux ou mensongers, les services compétents de l’Etat peuvent tirer les conséquences et appliquer éventuellement la sanction qui sied conformément aux lois et règlements de la République. Par contre, si ces faits sont effectivement établis tels que rapportés par M. Salou Gobi, alors ce citoyen doit mériter une médaille de la République pour avoir renseigné les décideurs politiques afin d’intervenir urgemment pour régler un problème attentatoire à l’existence de l’Etat, à sa souveraineté. De toute façon, en dépit du vacarme inutile qu’elle a soulevé dans certains milieux, cette décision constitue un avertissement pour tout autre fonctionnaire de l’Etat qui ne sait tenir sa langue en public d’où l’importance du devoir de réserve.
Pour rappel, ancien ministre et ancien militant du CDS-RAHAMA, M. Salou Gobi est président du parti politique dénommé : « Convention Nationale pour la République CNR-Gayya ». Il est journaliste, agent de l’Etat, auteur de plusieurs ouvrages dont celui dédié aux actions de l’ancien Président de la République, M. Mamadou Tandja.
Abdoulaye Abdourahamane / niameysoir.com