SÉCURITÉ : La société civile nigérienne en visite aux déplacés de l’Anzourou installés dans l’arène de lutte de Tillabéri
(Dimanche 16 Mai 2021) : En début de matinée, une forte délégation de l’état-major de la société civile nigérienne accompagné de la presse a effectué un déplacement à Tillabéri. L’objectif principal de cette mission est de constater de visu les conditions de vie des populations qui ont fui leurs terres du fait de l’insécurité dans la Commune d’ Anzourou pour trouver refuge dans la ville de Tillabéri, Chef-lieu de Région. En outre, d’autres déplacés d’Anzourou se sont rués à Namari Gungu et à Sakoira.
Pour les acteurs de la société civile nigérienne, les responsables des ONGs et Associations de développement, il s’agit d’en savoir plus sur les circonstances de ces déplacements massifs forcés, d’écouter les premiers concernés, leurs plaintes et cris de cœur, d’enregistrer éventuellement leurs besoins les plus urgents. Des sources concordantes vérifiées par NIAMEY SOIR ont confirmé que ce déplacement massif fait suite à un ultimatum de trois (3) jours pour vider les villages d’Anzourou et qui avait été lancé par les bandits armés, la fin de la semaine du 10 Mai. Ces personnes déplacées de force sont arrivées par camions ou par charrettes dans la ville de Tillabéri et d’autres dont le nombre n’est pas encore connu sont entrées à Niamey.
Arrivés sur place, les membres de la mission se sont dirigés vers l’équipe de supervision du site placé sous la responsabilité du Coordonnateur régional de Tillabéri pour le Ministère en charge de l’Action Humanitaire et de la Gestion des Catastrophes (MAHG-C) et ses assistants. D’ores et déjà, le site est sécurisé par des éléments des Forces de Défense et de Sécurité (FDS).
Quels sont les villages de provenance des déplacés forcés ?
Interrogé sur place, M. Djibo Abdou, Coordonnateur régional de Tillabéry pour le Ministère de l’Action Humanitaire a renseigné que ces déplacés forcés viennent en majorité des villages de Zirbane 1 et 2, Gassaoual, Koira Tégui, Gadabo, Sangara et Dangné. « A la date du 15 Mai 2021, plus de 700 ménages ont été enregistrés avec en moyenne 6 à 7 personnes par ménage » a-t-il dit. « Les déplacés sont en plein air sous le soleil, à l’ombre des arbres, sans oublier l’installation prochaine de la saison des pluies. Les besoins alimentaires, en hygiène et assainissement, en eau, tentes (abri), nattes (couchettes), latrines sont les plus urgents » a-t-il-expliqué.
Parlant du dispositif organisationnel en place, on retient pour l’essentiel qu’à la date du 15 mai, la préfecture de Tillaberi a mis en place avec l’appui des partenaires humanitaires, une cellule d’urgence. Le mécanisme de réponse rapide (RRM), élargi aux services techniques étatiques a été également activé. Selon OCHA, les autorités et les acteurs humanitaires prévoient de se rencontrer le lundi 17 mai 2021 pour élaborer un plan de réponse d’urgence à cette crise soudaine. Pour l’heure, un comité chargé de l’enregistrement et un autre chargé de l’évaluation multisectorielle des besoins réels des déplacés forcés sont quotidiennement à la tâche car, à l’évidence, la situation n’étant pas encore stable dans l’Anzourou, des vagues des déplacés forcés continuent à arriver à Tillabéry.
La Commune d’Anzourou, rappelle-t-on, est située au Nord-Ouest de la Région de Tillabéri à 57,2 km de la ville. Elle comprend plusieurs localités dont les plus habitées sont Gadabo (1448 habitants) Zibane koira zéno (3905 hbts), Zibane Koira Tégui (1131hbts), Dagné (655hbts), Gassa (2275hbts) et Gassa Awal (783hbst).
Depuis plusieurs années, Anzourou est régulièrement endeuillée par des groupes armés non étatiques qui s’attaquent aux positions des forces de défense et de sécurité, aux chefs traditionnels et aux populations civiles, emportant bétail et incendiant greniers. A ce jour, ils sont nombreux les chefs traditionnels de cette zone qui ont abandonné leurs populations pour trouver refuge dans la Ville de Tillabéry, à Niamey la ville capitale du pays ou encore à l’étranger au Ghana, au Burkina Faso, au Togo et au Benin a témoigné, un chef traditionnel trouvé sur le camp qui avoue lui-même avoir quitté son village depuis un an pour Tillabéry mais qu’il partait souvent pour des courtes visites inopinées voir ses populations.
Des réactions de colère et d’indignation….
Dans une colère à peine contenue, M. Nouhou Mahamadou Arzika, Président du Mouvement Patriotique pour une Citoyenneté Responsable (MPCR) a dénoncé ce qu’il a qualifié de « situation attentatoire à la dignité humaine ». L’acteur de la société civile M. Nouhou Mahamadou Arzika a déploré les conditions de vie révoltantes dans lesquelles vivent actuellement femmes et des enfants déplacés de l’Anzourou. Il a appelé les plus hautes autorités du pays à « prendre toutes leurs responsabilités face à la gravité de la situation sécuritaire qui prévaut au Niger en général et dans l’Anzourou en particulier »
Pour sa part, M. Sidikou Moussa, Coordonnateur National de l’ONG EPAD-Niger, est visiblement dépassé par les conditions de vie des enfants et de leurs mères qui ne disposent pas sur le site d’un mécanisme intégré de prise en charge. Leurs soins se font dans les centres de santé intégrés de la Commune de Tillabery à leurs frais comme tout le monde a témoigné Harouna Zibo, chef de ménage du village de Dangné.
A M. Issa Garba, membre du Mouvement Tournons La Page (TLP-Niger) de renchérir que la situation est de plus en plus critique. Par conséquent, a-t-il estimé, « il est urgent pour le Gouvernement de restaurer l’autorité de l’Etat dans toutes les zones abandonnées par nos populations ».
« Sous le soleil ardent de mai, la désolation se lit sur les visages des enfants, femmes et hommes de l’Anzourou, témoins de l’impuissance de l’État du Niger à assurer la sécurité de ses citoyens. Ce que nous avons vu et entendu à Tillabery, que nous avons déjà vu et entendu à Diffa, conforte l’idée qu’au Sahel, ce qui se joue c’est la déliquescence des États néocoloniaux » a écrit Moussa Tchangari de l’Association Alternative Espace Citoyen (AEC) sur sa page facebook de retour de Tillaberi.
Les 13 au 14 Mai 2021 les populations ont commencé à déserter leurs villages
A partir du 13 Mai, la localité de Namari Gungu (canton de Sarkoira), la commune rurale de Sarkoira et la Commune urbaine de Tillabéry ont commencé à enregistrer les plus importantes vagues des populations déplacées de la Commune de l’Anzourou. A Tillabéry commune, femmes, mères allaitantes, veuves, enfants, personnes âgées, femmes enceintes (dont un accouchement en cours de trajet), ont envahi la Tribune officielle de la Ville (plein air en période de canicule) faisant face à la résidence du Gouverneur à plusieurs centaines de mètres. Les images firent le buzz sur les réseaux sociaux puis l’alerte lancée. Ensuite, les autorités régionales de Tillaberi ont procédé à l’acheminement des déplacés forcés dans l’enceinte clôturée de l’arène de lutte traditionnelle Naroua Sannou. « Je demande à la population de les accueillir à bras ouverts surtout que nous sommes dans un pays où la solidarité islamique nous impose une bonne mine de conduite » a dit M. Ibrahim Tidjani Katiella, le Gouverneur de la région en s’adressant à la population de Tillabéri lors de sa visite du 15 Mai sur le site.
Des enjeux humanitaires complexes :
A Namari Gungu comme à l’Arène de lutte de Tillabery, les résultats des premières évaluations ont déterminé des besoins urgents en latrines d’urgence, eau, vivres, abris d’urgence, et biens non alimentaires (couvertures, habits). A l’arène de lutte, selon OCHA, « Les infrastructures de base ne pourront pas y être implantées. Il a été recommandé l’identification rapide et la viabilisation d’un site de relocalisation avant la saison des pluies ».
En clair, ces déplacés forcés viennent s’ajouter aux déplacés internes et aux réfugiés enregistrés au Niger du fait de la situation sécuritaire fragile. Selon l’ONU, dans la région de Tillabéri frontalière avec le Burkina Faso et le Mali, des milliers de personnes ont quitté leur domicile à cause des attaques djihadistes. OCHA précise qu’à la date du 14 mai 2021, les autorités estimaient le nombre de personnes déplacées internes dans la région à 102 179 personnes (14 512 ménages) ; ces chiffres n’incluent pas les récents déplacements et les déplacés dans les zones difficiles d’accès.
Rappel contextuel de la situation sécuritaire récente dans l’Anzourou
Pour rappel, le dimanche 9 Mai 2021, plusieurs villages de la commune d’Anzourou dans la région de Tillabéry ont été pris pour cible par des groupes armés. Ces attaques se sont produites au lendemain de la session plénière de l’Assemblée Nationale qui s’est tenue le 8 mai 2020 pour le renouvellement de la mesure d’État d’urgence dans les régions de Tillabéri, Diffa et Tahoua pour une durée de trois (3) mois dans les départements concernés par cette mesure : Filingué, Ouallam, Tillabéri, Gothèye, Ayorou, Bankilaré, Abala , Banibangou, Say, Torodi, Téra dans la région de Tillabéri; Tillia et Tassara dans la région de Tahoua, et la région de Diffa.
Du bilan de ces attaques récentes dans l’Anzourou, vingt (20) civils dans les villages Gadabo, Zibane Koira-Zeno et Zibane-Tegui, ont été tués par les assaillants. Une source proche du Gouvernorat de Tillabery a ajouté que les présumés terroristes ont pillé des boutiques pour prendre des céréales, emporté du bétail puis incendié une cinquantaine de greniers avant de se diriger vers le Nord. Aussi, plusieurs sources locales ont signalé qu’avant leurs départs des lieux, les assaillants ont intimé l’ordre aux populations de quitter la zone au risque d’être tuées d’où ces déplacements massifs forcés.
Abdoulaye Abdourahamane Ahamadou / Envoyé spécial www.niameysoir.com