Retour sur le procès des acteurs de la société civile
Le ministère public a requis des peines de trois (3) ans de prison fermes et 100.000 F CFA d’amende à l’encontre de Nouhou Arzika, Moussa Tchangari et Ali Idrissa. La peine requise contre Lirwana Abdourahmane et les autres manifestants est d’une année d’emprisonnement et 50.000 FCFA d’amende tandis qu’il a été requis une relaxe pour les nommés Ousseini Maina et Mamoudou Seyni. Le délibéré est attendu le 24 juillet 2018.
Initialement prévu le 3 juillet 2018, le procès des leaders du cadre de concertation de la société civile pour une action citoyenne (CCAC) a finalement eu lieu le mardi 10 juillet au Palais de Justice de Niamey. Ils ont été arrêtés le 25 mars 2018 et détenus depuis lors pour participation à une manifestation interdite et destruction des biens publics. Une manifestation en protestation contre ‘’les mesures impopulaires et antisociales’’ contenues dans la loi de finances 2018.
Comme il fallait s’y attendre, c’est une foule gigantesque qui s’est mobilisée en guise de soutien ‘’aux généraux’’ de la société civile: Nouhou Mahamadou Arzika du MPCR, Moussa Tchangari de l’AEC et Ali Idrissa du ROTAB. Autant dire que le Tribunal a refusé du monde car ce procès est suivi de près tant au niveau national qu’au plan international. Outre le dispositif sécuritaire impressionnant autour du Palais de Justice lors ce procès, on note également la présence de la presse internationale et des responsables des organisations de défense des Droits de l’homme. De l’après-midi à 23 h 30, la durée des plaidoiries a permis aux différentes parties, chacune en ce qui la concerne, de dire sa part de vérité.
Tour à tour, Nouhou Mahamadou Arzika, Ali Idrissa Nani, et Moussa Tchangari ont été appelés à la barre en présence de leurs avocats et de nombreux citoyens. Ce fut pour eux, l’occasion de revenir en profondeur sur les fondements historiques et légitimes de leur lutte pour la Défense de la Démocratie, des Libertés fondamentales et le respect des Droits de l’Homme au Niger. C’est ainsi que Nouhou Mahamadou Arzika, le premier à être entendu par le Juge, a passé près de trois (3) heures à la barre. L’assistance n’a cessé de l’acclamer au fil de son argumentaire principalement axé sur la légitimité et la légalité de leur ‘’combat’’ qui selon lui, est un combat pour le bonheur du peuple nigérien. Par la suite, Ali Idrissa Nani et Moussa Tchangari ont été auditionnés avant la suspension de l’audience.
Revenant au fait, entouré d’une pléthore d’avocats, sur un ton confiant et dans le franc parler qu’on lui reconnait, Nouhou Mahamadou Arzika a profité de son audition pour rappeler ce qu’il a qualifié de ‘’propos contradictoires du Président de la République le 4 Juin à Paris’’. Nouhou Mahamadou Arzika brandit au juge la copie de son discours d’appel à manifestation du 25 Mars où il est dit que la manifestation débute à 16h, et non à minuit comme l’a fait entendre le Président de la République en France. Sur le même sujet, il soutient que la Ville de Niamey (partie civile au procès) n’a pas respecté le délai de soixante-douze (72) heures avant de lui notifier l’interdiction de la manifestation du 25 mars 2018. Pourtant, expliquent ses avocats, la demande de manifestation a été introduite à la Ville de Niamey treize (13) jours auparavant. Tout ceci, nonobstant le fait que lui, Nouhou Mahamadou Arzika, et bien d’autres de ses camarades, n’ont été pris (arrêtés) à aucune manifestation à la date du 25 Mars 2018. Leurs arrestations disent-ils sont intervenues pour certains dans leurs bureaux.
Dans une atmosphère sereine, un débat juridique houleux, constructif et clarificateur a été engagé notamment sur la charge de la complicité ayant conduit à la destruction des biens publics. Là aussi, les avocats de la société civile, ont relevé la non-conformité de cette accusation à la Constitution de la République. Par conséquent, affirment-ils, on ne peut pas tenir rigueur, ni inculper leurs clients pour des délits commis par des tierces personnes en raison du caractère personnel de la responsabilité pénale.
Au sortir du tribunal, Maitre Ali Kadri, avocat de la société civile rassure : « Nous sommes satisfaits de la sérénité qui a caractérisé les débats », tout en se disant confiant quant à l’issue finale du procès. Procès que d’aucuns ont qualifié ‘’d’inédit’’ tant pour l’engouement qu’il a suscité que pour sa durée. L’un dans l’autre, après les débats, l’affaire a été mise en délibéré pour le 24 juillet prochain. Pour l’heure, les prévenus continuent à garder prison dans le cadre de la détention préventive.
A la fin du procès aux environs de 23h 30, ils ont été conduits à la Maison d’Arrêt de Niamey sous les regards impuissants de leurs familles, proches, amis et autres curieux maitrisés par les éléments de force de l’ordre.
Écrivain du Sahel