Rapport : Contexte juridique des OSC, le NIGER est noté : 5,2
Extrait du Rapport de l’Indice de Pérennisation des Organisations de la Société Civile du Niger en 2018
(Publié en Décembre 2019)
L’environnement juridique s’est légèrement dégradé en 2018 avec l’arrestation d’acteurs de la société civile qui avaient pris part à une manifestation « interdite » contre la loi de finances de 2018 et la fermeture d’organes de presse ayant couvert la manifestation.
En 2018, les OSC relevaient toujours de la loi n° 84-49 de 1984. Le cadre juridique du Niger est censé respecter les critères imposés par les organisations régionales dont le Niger est membre : la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, l’Organisation pour l’harmonisation du droit des sociétés en Afrique, l’Union économique et monétaire ouest-africaine et l’Union africaine. Néanmoins, les OSC estiment que la loi présente toujours des insuffisances parce que, par exemple, elle ne reconnaît pas les coalitions ou réseaux d’OSC et elle ne traite ni des fondations ni des fadas, qui sont des groupes de jeunes ayant un intérêt social commun et un champ d’action souvent à l’échelle du quartier. Sans un statut juridique, ces groupes ne peuvent pas obtenir de comptes bancaires et, en cas de contrôle par les services de l’État, ils risquent d’être interdits d’exercer.
Pour s’enregistrer, les OSC doivent soumettre une demande d’agrément accompagnée des pièces suivantes : le procès-verbal de l’assemblée générale constitutive, une liste des membres du bureau (avec les renseignements civils sur chacun), le projet de statuts et du règlement intérieur et un plan d’action. Une OSC qui veut agir à l’échelle nationale soumet sa demande à l’administration à Niamey, qui transmet au MAT/DC pour discussion avec le ministère de l’Intérieur. Les organisations internationales doivent également obtenir une accréditation du ministère des Affaires étrangères. Après avoir déposé la demande d’agrément, l’OSC reçoit un récépissé de la ville. Si l’OSC ne reçoit pas de réponse de l’administration dans les trois mois, elle peut commencer à fonctionner avec le récépissé en attendant son autorisation définitive.
À cause de la lenteur administrative de certains ministères techniques, les OSC peuvent attendre des mois avant d’obtenir l’agrément définitif, à moins qu’elles ne surveillent activement les progrès de leur demande. Les associations d’obédience religieuse éprouvent parfois des difficultés à s’enregistrer auprès des pouvoirs publics en raison de la laïcité de l’État et de leur volonté de ne pas être perçues comme favorisant un groupe religieux plutôt qu’un autre. Les autorités peuvent refuser la demande d’enregistrement lorsque les activités déclarées ne sont pas autorisées. Exemple : les fadas peuvent rencontrer des problèmes lorsqu’elles souhaitent effectuer une veille citoyenne. Cela a été le cas de la Fada Garbado de Tillabéri, entre autres, en 2018.
Pour être actives au niveau régional, les OSC doivent signer un protocole d’accord type (PAT) avec les ministères techniques et des accords de mise en œuvre avec les régions, les départements ou les communes selon le niveau de ses interventions. En 2018, seulement 423 ONG nationales et AD et 129 ONG et AD étrangères ont signé un protocole d’accord type.
La loi permet à chaque OSC de définir son cadre de fonctionnement interne. La loi n° 91-006 et les protocoles d’accord type qu’elles signent avec les ministères techniques obligent les OSC à déposer chaque année un rapport d’activités, un rapport financier et un plan d’action. En 2018, les OSC ont reçu un canevas type de rapport annuel pour permettre aux autorités d’évaluer plus facilement leur contribution au développement du pays. Cependant, les OSC trouvent ce modèle difficile à utiliser. Bien que ce canevas type ne soit pas prévu par la loi, le MAT/DC considère que le fait de ne pas l’utiliser équivaut à ne pas déposer un rapport. Aux termes de la loi, les OSC qui ne déposent pas de rapport d’activité auprès du ministère compétent pendant une période de deux ans voient leur approbation suspendue. Cependant, cela se produit rarement.
La loi fixe clairement le contrôle des pouvoirs publics sur les OSC par l’entremise du MAT/DC et des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères. En 2018, le MAT/DC a travaillé à la création d’une base de données pour surveiller les OSC et leurs activités et établir un comité qui organiserait des réunions avec les OSC pour inciter à un plus grand respect des lois régissant le secteur. Toutefois, aucune réunion n’a eu lieu en 2018 et, en fin d’année, le manque de moyens financiers avait entraîné la suspension des réunions.
La constitution nigérienne garantit les libertés de rassemblement, d’expression et de manifestation. Toutefois, les OSC continuent d’être confrontées au harcèlement d’autorités nationales, régionales ou municipales : menaces de suspension, délais dans leurs enregistrements, mesures arbitraires et néfastes à l’encontre de leurs membres. Les OSC pratiquent le débat ouvert, en particulier sur les réseaux sociaux, mais en 2018 le gouvernement a prétexté d’infractions mineures pour ordonner l’arrestation de plusieurs acteurs d’OSC à la suite de l’organisation de conférences de presse sur la loi de finances. Les autorités ont accusé Oxfam International de financer des OSC nigériennes catégorisées par le gouvernement comme activistes. Le gouvernement a ordonné par écrit à Oxfam de soumettre des rapports sur ses activités au Niger pour les exercices 2017 et 2018, afin de pouvoir évaluer le travail d’Oxfam dans le pays. Les OSC ont des possibilités de recours judiciaires, administratifs et autres en cas d’abus de la part de l’État, mais elles le font rarement.
Lors de la manifestation contre la loi de finances le 25 mars, 26 acteurs de la société civile et de l’opposition ont été arrêtés par les autorités locales et détenus pendant des mois. Ils ont été inculpés d’« organisation et participation à une manifestation interdite », « complicité de violence », « agression » et « destruction de biens ». Trois leaders de la société civile ont été condamnés à trois mois de prison. Ayant déjà passé quatre mois en prison, ils ont été libérés immédiatement. Quatorze autres militants ont été libérés sans aucune inculpation retenue contre eux. En outre, le gouvernement a dissous l’Association pour les droits des consommateurs des technologies de l’information, de la communication et de l’énergie (ACTICE-NIGER) et fermé Radio-TV Labari après la couverture médiatique de la manifestation.
En général, la politique fiscale du Niger n’est pas favorable aux OSC. La loi traite tous les types d’entités de la même façon. Le gouvernement accorde difficilement le statut d’exonération fiscale aux OSC, sous prétexte que certaines d’entre elles vendent des produits exonérés d’impôt sur le marché libre. Le PAT signé par de nombreuses OSC leur permet de demander des exonérations fiscales sur les équipements et matériels, et pour les dons en nature importés destinés à des projets organisés pour la population locale, mais quelques OSC, dont Dounibon, le Regroupement des ONG et associations du secteur santé du Niger (ROASSN), Karkara, et Écoleparrainage et actions de développement (EPAD-Niger), ont continué de rencontrer des difficultés pour obtenir cette exonération en 2018. Les particuliers et les entreprises ne bénéficient pas d’exonérations fiscales pour les dons aux OSC, ce qui décourage ce type de dons.
Les OSC peuvent facturer les coûts qu’elles ont encourus, sous réserve qu’elles doivent utiliser l’intégralité de leurs revenus pour leurs activités à but non lucratif ou pour leurs coûts d’exploitation. Les OSC doivent avoir l’autorisation du gouvernement pour organiser des campagnes de collecte de fonds et recevoir des dons. Les OSC peuvent accepter les dons de bailleurs de fonds étrangers. Cependant, la loi sur la lutte contre le terrorisme permet aux autorités de bloquer les fonds que les OSC reçoivent de bailleurs de fonds étrangers par l’intermédiaire de la banque centrale, où arrivent en premier lieu les fonds de l’extérieur du Niger. En 2018, cette politique n’a pas eu d’impact négatif sur les OSC, mais les OSC craignent que le gouvernement ne bloque le financement des OSC qui contestent sa politique. La politique contractuelle nationale permet aux ONG locales de recevoir des financements de l’État pour mener à bien des activités au profit de la population.
Au Niger, les avocats connaissent bien les lois qui régissent les OSC, même s’ils n’ont pas de diplômes spécifiques pour le droit concernant la société civile. À Niamey et dans les autres grandes villes, les OSC peuvent consulter un avocat ou un autre expert sur des sujets d’ordre institutionnel, contractuel et pour d’autres questions juridiques et d’organisation. L’Association nigérienne de défense des droits de l’Homme (ANDDH), l’Association des femmes juristes du Niger (AFJN) et l’Association des jeunes avocats du Niger (AJAN) assurent une assistance juridique à tarif réduit aux OSC et au public.