POLITIQUE : Lettre ouverte de demande de grâce au Président de la République en faveur de mon grand-frère Hama Amadou et les autres (Par Djibrilla Mainassara Baré)
Monsieur le Président de la République,
Avant tout propos, j’ai le devoir de présenter mes condoléances les plus attristés au peuple nigérien, aux Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et à leurs familles suite à la tragédie, qui vient une fois de plus d’emporter des dizaines d’éléments de nos FDS, tout en souhaitant un prompt rétablissement aux blessés. Au seuil du nouvel an, je prends la responsabilité, en tant que simple citoyen et petit frère de Hama Amadou, de vous entretenir sur sa situation carcérale particulière et de celle de mes autres frères prisonniers politiques militaires et civils incarcérés depuis plusieurs années. Mon frère, parce que j’ai goûté comme lui la saveur du liquide de nos génitrices qui est plus précieux pour elles que leur propre sang (dixit Amadou Hampathé Bâ)
En le faisant, je ne fais qu’exprimer, j’en suis plus que certain, les vœux de millions de nigériens et d’Africains à travers le monde, puisque tous savent que la grâce en faveur d’un détenu est votre prérogative exclusive, que vous ne pouvez partager avec personne, en vertu de notre Loi fondamentale qui dispose, en son article 72 : « Le Président de la République a le droit de grâce… ».
Je sais que quand vous prendrez connaissance de cette lettre, vous serez en face du Président Français Emmanuel Macron pour « clarifier » votre position par rapport à la présence de la force Barkhane sur notre sol, ce que vous avez pris soin de faire prématurément du reste.
Si j’interpelle le plus haut Magistrat que vous êtes, c’est parce que j’ai suivi avec intérêt, comme tous mes compatriotes, la compassion manifestée par vous-même et vos partisans à l’endroit de mon frère Hama Amadou à son retour au pays pour le deuil de sa regrettée maman. Avait-il le choix, puisque Guy de Maupassant nous enseigne à propos de la mesure de la souffrance des enfants : ‘’On aime sa mère presque sans le savoir et qu’on ne savoure de toute la profondeur de cet amour qu’au moment de la séparation dernière’’ ?
J’avais espéré naïvement que cet accueil exceptionnel présageait d’une issue heureuse à la crise politique à l’instar de celle du pays de la Téranga, mon pays de cœur. Cette issue heureuse aurait eu un impact certain sur la cohésion nationale et partant de la sécurité collective qui implique le plein engagement de tous. Mais l’espoir a été malheureusement de très courte durée puisque la loi a repris ses droits avec l’incarcération de mon frère dès la fin de son deuil. C’est pourquoi, je vous adresse cette demande de grâce de ma propre initiative, en espérant être entendu.
M. le président,
Je souhaiterais que vous puissiez vous souvenir que, vous avez, durant votre parcours politique d’opposant historique, usé et abusé des possibilités que vous offrait la liberté d’expression, inhérente à la démocratie, pour dénoncer les abus d’autorité et la mal gouvernance des pouvoirs successifs pour le bien de notre peuple. Vous conviendrez avec moi, que c’est à présent à votre tour, en tant qu’autorité, d’en accepter le principe. Ne pourriez-vous pas agir en Grand Homme d’Etat en vous plaçant au-dessus de la mêlée pour abréger les souffrances de mes frères Hama Amadou, Général Souleymane Salou, de son fils et de tous leurs compagnons d’infortune et de leurs familles ?
Trop de sang a été versé au cours de ces neuf (9) dernières années, plusieurs fois plus qu’en 51 ans d’indépendance (de 1960 à 2011). Trop d’attentats, trop d’attaques meurtrières qui ont souvent frappé nos Forces de Défense et de Sécurité (FDS). Les dernières attaques survenues à cinq (5) semaines d’intervalle ont fait plus de 174 morts et des centaines de blessés dans les rangs des FDS. Et pourtant, les responsables moraux de ces situations sont en liberté, vaquent à leurs occupations et narguent le peuple. Le président Baré avait été victime à plusieurs reprises de tentatives avérées d’assassinat et ou de coups d’Etat.
Vous vous souvenez sans doute de cet opposant, qui, suite à une insurrection de l’ex Front pour la Restauration et la Défense de la Démocratie (FRDD) en janvier 1997, s’apparentant à une atteinte à la sûreté de l’Etat, s’était retrouvé à la prison de Ouallam et avait bénéficié des largesses du président Baré après quelques jours de détention.
Le président Baré n’a pas eu recours, face à ses opposants, à des méthodes expéditives radicales. Parce que tout simplement, il n’a jamais cessé de considérer le jeu politique pour ce qu’il est : c’est à dire un jeu dans lequel la violence extrême entre camarades condamnés à vivre ensemble doit être bannie. Même s’il a fini par en payer le prix fort en toute connaissance de cause. Il connaissait le prix à payer pour sauvegarder sa propre vie puisqu’il l’a dit pour avoir été averti dès sa prise du pouvoir en 1996 par les officines et les Machiavel du monde entier : il se devait de « raccourcir » les cyniques de tous bords parfaitement identifiés de la République qui, par leur comportement, condamnent et condamneront toujours notre pays à la régression et au bannissement.
Sur cet acharnement contre mon frère Hama Amadou, vous avez certainement pris connaissance de l’analyse des spécialistes du continent notamment celle de Laurent Bigot, Ancien diplomate du Quai D’Orsay bien connu de certains de vos amis et camardes : « Le drame en Afrique de l’Ouest, c’est que le plus souvent – pour ne pas dire pratiquement toujours-, la principale menace définie par le président en place, c’est l’opposition politique. Les services de renseignement concentrent leurs moyens et leur énergie à faire du renseignement politique et négligent les autres menaces…Les véritables menaces pour l’Afrique de l’Ouest sont le crime organisé (la corruption qu’il génère infiltre l’Etat dans ses plus hautes sphères) et le terrorisme, qui prospère là où l’Etat est défaillant ou dévoyé par la logique de prédation et de prébende. Dans cette sous-région, les narco-trafiquants côtoient certains décideurs politiques et les financent. Ils obtiennent en retour une impunité totale et développent en plus des activités légales pour blanchir leur argent……Cette collusion génère une corruption qui se propage dans toutes les sphères de l’administration et des forces de sécurité. Cette gangrène est la véritable source de déstabilisation de l’Etat. C’est elle qui a provoqué l’effondrement du Mali …. lequel n’a pas résisté à l’offensive du MNLA et des groupes armés djihadistes. C’est elle qui provoquera l’effondrement …du Niger.
Ces tragédies successives de ces dernières semaines, ne sont-elles finalement pas les signes annonciateurs de cet effondrement programmé ?
Ce qui est incompréhensible aux yeux à l‘opinion nationale, c’est que les bénéficiaires de cette situation dénoncée par tous les observateurs avertis de la scène politique nationale et qui endeuille nos populations restent tous en place, sont libres de leurs mouvements parce que tout simplement, la plupart sont vos amis. Faire jouir de cette liberté à vos adversaires politiques, qui ont été par le passé des partenaires, ne fera que renforcer la cohésion nationale nécessaire dans cette période trouble de la survie de notre nation.
C’est pourquoi, sachant qu’en tant que musulman croyant, vous n’ignorez sans doute pas que le Coran, le Livre Saint que nous partageons, sur lequel vous avez prêté serment avant de prendre vos charges, propose : « Dis : O Allah, Maître de l’autorité absolue. Tu donnes l’autorité à qui Tu veux, et Tu arraches l’autorité à qui Tu veux ; et Tu donnes la puissance à qui Tu veux, et Tu humilies qui Tu veux. Le bien est en Ta main et Tu es Omnipotent ». [Sourate 3, Verset 26] ». Donc n’ayez nulle crainte des hommes et libérez ces innocents !
Pour toutes ces raisons et d’autres, je m’autorise à vous implorer de prendre de la hauteur et faire libérer mon frère Hama Amadou, qui a été votre camarade de lutte dans l’ex FRDD de 1997 à 1999, ainsi que vos prisonniers politiques, comme hier dans l’opposition, vous aviez bénéficié de la clémence de vos prédécesseurs. L’acte ne ferait que vous grandir. Je ne pourrais oublier dans cette plaidoirie en faveur de la libération de vos prisonniers civils comme militaires à l’instar de Malla Ari, et Bakary Seidou, le Général Salou Souleymane et son fils, les valeureux officiers tels que Soumana Zanguina et Mai Manga Kafougou et tous ceux, nombreux, qui croupissent en prison depuis de nombreuses années pour des raisons non évidentes.
Tout en espérant être entendu, veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma déférence.
A Niamey, le 13 janvier 2020
Djibrilla Mainassara BARE, citoyen Nigérien,
Ancien Conseiller Spécial du Président BARE
Ancien président et membre fondateur de la Section PNDS Tarayya du Sénégal