Loi des Finances 2018 : A qui profite ce débat trompeur?
Si les marches suivies de meeting étaient des indicateurs de développement, le Niger serait la première puissance mondiale. Au vu de l’ampleur des jeux de foule dans ce pays, les libertés publiques peuvent, au fil du temps, constituer paradoxalement un précédent grave pour la vitalité de notre jeune Démocratie d’où l’importance de la noble mission de l’Homme d’État. A la vérité, le pire des monstres froids n’est pas l’État. C’est plutôt l’autorité politique qui refuse la critique. Instrumentalisant l’État à sa guise, elle commence par bien raisonner puis finit par mal résonner car n’écoutant que la mélodie de son libre arbitre pour préserver sa raison d’être souvent au détriment du bien-être Collectif. Son principe absolu devient : « Qui n’est pas avec nous est contre nous ». Pour elle, la certitude d’avoir raison n’est pas seulement une idée préconçue, c’est un verdict sans appel, une solution aussi absolue que le principe qui l’a aveuglement et obstinément guidée.
Or, le Ministre d’État en charge de l’intérieur également président du principal parti au pouvoir M. Mohamed Bazoum et M. Hassoumi Massoudou, ministre en charge des finances le savent : le rôle d’un homme d’État n’est pas de fuir, contourner ou survoler les problèmes qui se dressent devant lui. Son rôle est de les regarder en face, les affronter avec audace et intelligence au bien de tous. Dès lors, la diversion de l’opinion publique, le jeu de manipulation de foule ou les guéguerres par médias interposés cèdent à la volonté et au patriotisme de l’autorité de l’État établie pour servir l’intérêt de tous.
Le débat trompeur sur la loi des finances
On le sait, les députés nationaux acquis au régime en place et le Gouvernement ‘’dambu’’ peuvent à eux seuls remplir la place de la Concertation. La question est surtout de savoir, in fine, quel aura été l’impact de la marche du 04 Mars 2018 (et celles à venir) sur le quotidien du mieux-être des nigériennes et des nigériens même au cas où elle mobiliserait les 19 millions d’habitants que compte le pays ? Aucun puisque l’équation sur la loi des finances 2018 reste toujours posée et peu importe la couleur qu’on lui donne.
Le débat sur la loi des finances a été délibérément déplacé par le Gouvernement, l’opposition et la société civile puis transformé en un débat trompeur et ridicule que chacune des parties utilise à des fins qui lui sont spécifiques sous/couvert de l’intérêt général. Le gouvernement le détourne pour le politiser, la société civile l’utilise pour dénoncer toutes les tares du régime en place et l’opposition aux fins de régler des comptes politiques suite à sa mésaventure électorale que tout le monde sait.
C’est ainsi que la situation a pris des proportions déroutantes que rien ne justifie en réalité. Pourtant, il est plausible de penser que si les agissements des trois parties (opposition, gouvernement et OSC) étaient guidés par l’intérêt général, un compromis aurait été certainement trouvé peut-être bien avant l’adoption et la promulgation de cette loi quoique certains fantassins de la Renaissance soutiennent mordicus que le recul n’existe pas dans l’ADN du PNDS-Tarraya.
Le Gouvernement face à ses responsabilités
L’adoption d’une la loi suivie de sa promulgation n’excluent pas son abrogation ou sa modification lorsque cela est nécessaire ou quand les circonstances de la vie de la nation l’imposent. A cet effet, la Session des lois en cours à l’Assemblée Nationale est une opportunité à saisir. Une loi n’est pas un verdict divin sans appel contrairement à ce que le Président du PNDS-Tarraya et le gladiateur du ministère des finances veulent faire croire aux nigériens. Il n’est pas opportun que ‘’la galaxie rose’’ du principal parti au pouvoir, embrigadant ses partis satellites membres de la MRN, braque les projecteurs sur les actions du Chef de l’État et la légitimité de son pouvoir. Le sujet a été donc sciemment déplacé car la loi des finances est une chose, la légitimité du pouvoir d’État est une autre.
Bazoum et Massoudou le savent, tout le charivari inutile soulevé autour de cette loi de finances pourra être évité sans vacarme au peuple nigérien. Peuple qui attend d’ailleurs l’épilogue de cette polémique aux antipodes de son intérêt véritable au regard des fixations aveugles de chaque partie sur sa position. C’est à eux (les dirigeants), les détenteurs du pouvoir d’État de lâcher du lest, de décomplexer cette guerre de positionnent en faisant preuve de hauteur de vue. Il s’agit précisément pour Mohamed Bazoum de se ressourcer davantage pour dépolitiser ce débat, poser le problème tel qu’il se pose et non tel qu’il le pose puis le solutionner par Amour à son pays. C’est cet amour pour le Niger qui est la source de son devoir d’homme d’État au lieu de vouloir obnubiler le commun des nigériens par sa danse des mots de socialiste moderne.
La solution au problème
Dans l’intérêt supérieur de la Nation, il est temps pour M. Brigi Raffini, Premier Ministre, Chef de Gouvernement de reconsidérer la position de son équipe par rapport à la loi des finances 2018 au lieu de servir décor aux manifestations de la rue soutenant les actions de son propre gouvernement. Pour la cohésion sociale et la sauvegarde des acquis démocratiques, il est temps pour Bazoum (Président du PNDS-Tarayya) et Massoudou (Ministre des finances) d’aider le Premier Ministre à créer les conditions appropriées pour un retour à la sérénité par le dialogue dans le pays. Dans un système de Démocratie véritable, une autorité qui refuse le dialogue n’a que deux intentions: la démission ou la dictature. Puis qu’ils se disent démocrates et de surcroit socialistes vivant les réalités de la société globale nigérienne, alors la voie du dialogue franc et sincère est la meilleure issue pour clore le chapitre. Dans une République qui se respecte, l’État ne négocie pas l’impôt certes, mais il doit absolument assurer le contribuable de sa gestion saine. Dans le même ordre de pensée, aucune forme d’incitation à la rébellion fiscale ne doit nous être dépeinte en acte de citoyenneté responsable.
De toute façon que de défier l’opinion publique ou de manipuler la foule, le Gouvernement aurait plus capitalisé en temps et en ressources, à travers notamment deux alternatives s’il était de bonne foi dans ce bras de fer intitule avec les généraux de la société civile en traditionnel concubinage avec l’opposition. La première doit consister à prendre des mesures visant à réduire le train de vie de l’État en supprimant et ou en révisant notamment les avantages faramineux accordés aux autorités (fonds politiques, ministres, députés, taille de gouvernement, emplois fictifs), la deuxième piste de solution doit consister à rehausser les ressources allouées aux secteurs sociaux de base à savoir la Santé, l’Éducation, l’accès à l’eau et à l’énergie domestique.
Dans cette affaire, il n’y a pas un peuple société civile, un peuple opposition politique ou un peuple majorité au pouvoir : Il n’y a que le peuple nigérien tout court. Aussi poétique que cela puisse paraitre le peuple nigérien est celui dont chaque pouls est porteur d’espoir, d’unité nationale et de cohésion sociale dans la Fraternité, le Travail et le Progrès. Tout individu, toute frange du peuple qui n’œuvre ou ne se retrouve pas dans cette devise ne peut et ne doit se sentir obligée de le défier.
La culture du jusqu’au-boutisme pestilentiel n’est pas la bienvenue au Niger surtout dans un contexte de Renaissance Culturelle prônant la tolérance réciproque, la promotion des valeurs et le rejet systématique des contre-valeurs.
Abdoulaye Abdourahamane Ahamadou
Écrivain du Sahel