La chute des milliardaires de la démocratie


Au premier mandat du Président Issoufou Mahamadou, le classement du Niger au plan mondial en termes d’Indice de Perception de la Corruption a connu une amélioration en passant du 134ème rang en 2011 à la 103ème place en 2014 sur un total de 175 pays. ‘’Cette amélioration’’ n’a fait que chuter les années suivantes donnant à notre pays une image peu honorable à l’échelle mondiale. De l’audit ignoré de la transition militaire du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD) aux révélations des plus en plus choquantes des inspections d’Etat dans les différents départements ministériels, sociétés d’Etat, Etablissements publics, parapublics et institutions de la République, du flou qui entoure les conventions sur l’exploitation des ressources naturelles aux manœuvres souterraines en cours dans l’octroi des permis miniers, de la gestion scabreuse des maigres ressources de nos collectivités territoriales aux pratiques peu orthodoxes dans la gestion des fonds des Projets et Programmes de développement, la corruption n’a épargné aucun secteur de la vie socio économique et politique du commun des nigériens.

 

Des complices de la corruption…

Nous sommes complices par l’égoïsme, le silence, l’ignorance, la peur, le goût démesuré du gain facile, le laxisme, le mépris aux lois, la banalisation de l’institution judiciaire, la désacralisation du bien public, la négation systématique de nos Valeurs Sociétales ainsi que des Normes Supérieures de la République qui ont eu pour évident résultat la faiblesse de l’autorité de l’Etat. Nous sommes en danger !!!

Dans cette situation, s’il est plus aisé de dire ce qu’est la corruption que ce qu’elle n’est pas, alors notre société est certainement en crise profonde de valeurs. Quand dans une société où tout le monde est complice (passif ou actif) de la corruption, la vraie question n’est plus de savoir qui est corrompu ou pas, mais plutôt celle de savoir si nous sommes réellement prêts ou non à combattre ce mal ?

La vendeuse de galettes qui paie 50 francs au lieu de 100 francs sans exiger son ticket (Reçu) est complice du fléau de la corruption. En acceptant de partager les 100 francs de la municipalité avec l’agent percepteur, elle n’est pas moins corruptible, corrompue ou complice que ces petits milliardaires de la Démocratie qui pensent qu’il suffit d’une vie d’hôtel ou d’avion, un confinement dans des bunkers à Niamey ou circuler en véhicules maison dans cette petite ville, pour se croire tapis dans l’ombre. En vérité, il n’y a pas de petite, moyenne ou grande corruption. Il n’y a que corruption tout court. Un acte abject condamnable. En faisant rembourser des corrompus ou leurs complices, on n’a pas rendu service à la Nation tant que l’acte en lui même n’est pas condamné. Nous ne pourrions pas combattre la corruption de manière efficace en faisant rembourser des miettes sans que ce ne soit devant ou par le Juge. La justice n’est pas seulement le bouclier qui protège et défend, c’est aussi le glaive qui tranche et condamne sans état d’âme. Dans le même sens, comment peut-on véritablement lutter contre la corruption alors même que la loi sur l’enrichissement illicite est jetée, depuis belle lurette, dans le coffre de la désuétude ? 

De l’engagement du gladiateur ….

Nous ne pourrions pas combattre la corruption en déplaçant le problème pour faire plaisir au monde. Cela surtout quand des potentiels prisonniers sont élus députés nationaux, des individus en liberté provisoire sont nommés ambassadeur, ministre, conseiller, chargé de mission à la Présidence de la République, des chefs d’institution ou de services sont cités dans plusieurs affaires de détournements des deniers publics. Il est ahurissant en 21ème Siècle dans un pays en perpétuel combat pour la souveraineté alimentaire et contre la malnutrition, qu’un ministre qui n’a pas 2 millions salaire devienne milliardaire en si peu au vu et au su de tous.

L’important dans toutes ces extravagances criardes, est que lui, Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l’Etat, premier magistrat du pays, ait affirmé sa ferme détermination à lutter contre la corruption. Le marteau doit par conséquent taper. Taper où ? Qui ? Quand ? L’essentiel est que la lutte implacable contre la corruption se poursuive dans l’intérêt du Niger. Pas autre chose.

Seule la poursuite sans faiblesse et sans complaisance de cette lutte permettra d’atteindre (nous l’espérons) autant la vendeuse de galettes prise en flagrant délit de corruption que les milliardaires de la Démocratie ou encore un chef de village dans ses rapports de complicité triangulaire entre le Chef de Canton et le Préfet. Seule la poursuite de cette lutte permettra à Issoufou Mahamadou de savoir qui de son entourage mérite véritablement sa confiance.

Du noyau fragile de la corruption…

Un coup de fil, une signature, une carte de visite, un badge, un sms, un rendez-vous de n’importe quel technicien de surface de la Présidence de la République ferait trembler aujourd’hui un ministre de la République ou un DG d’une société d’Etat pour glisser dans la corruption ou le détournement des deniers publics. Cette catégorie ‘’d’agents d’affaires’’ de tout acabit qui rasent les murs des institutions de la République et autres services de l’administration publique constituent le noyau fragile de la corruption qu’ils entretiennent au prix de n’importe quelle absurdité, intimidation, chantage et trafics d’influence. Ils ne doivent pas échapper au viseur des services de renseignements qui les attendent au tournant.

De la famille du Président de la République à ses plus proches collaborateurs, de ses alliés politiques au citoyen lambda qui serait, par quelque manière, impliqué dans quelque affaire de corruption, il est temps que chacun assume pleinement la responsabilité de ses actes. C’est en assumant la responsabilité de ses actes devant le Juge, dans les conditions déterminées par la loi, qu’on se serait rendu digne de la confiance du Président de la République et utile pour le Niger. La liberté véritable réside dans l’obéissance aux lois de la République. Le mal de la corruption détruit le tissu économique et social en sabotant tout effort de développement. Il anéantit le sens de l’effort lui-même. Cependant, l’assainissement à travers « Mai boulala » ne doit pas être une opération à double vitesse visant à réduire au silence des adversaires politiques et ou des alliés récalcitrants. Elle ne doit pas être une opération sous-marine de règlement de compte ou une subversion institutionnelle dont on sait à l’avance les décevants résultats. 

Du noyau dur de la corruption au Niger…

Nul n’est au dessus de la loi. La loi est dure mais c’est la loi. Le Président Issoufou Mahamadou le sait en engageant l’opération : « mai-boulala ». C’est parce que la loi est dure qu’elle ne couvre pas le corps habillé sous prétexte de secret défense ou de Raison d’Etat si non à quoi servirait un tribunal de justice militaire au Niger ? Elle ne couvre pas un député, ministre ou chef d’institution de la République sous couvert d’immunité encore moins toute la pléthore des cadres centraux, chefs de services, de Projets, Programmes de l’administration publique centrale ou déconcentrée qui constituent le noyau dur de la corruption au Niger. Ces têtes pensantes, conseillers et technocrates de l’administration publique qu’on voit presque jamais ni sur les écrans ni aux micros, se croient inamovibles, puissants et intouchables. Ils ont les yeux, les nez, les pieds et les mains partout dans le public comme dans le privé à travers leurs multiples sociétés écrans. Cet acabit de bureaucrates qui amplifient la corruption étendent son champs au rythme de leurs interminables nominations tant au niveau central qu’à l’échelle des régions. Ils pensent, voient et disent au delà de ce que pense voit ou dit le décideur (Président, Ministre, Gouverneur, Chef d’institution, bailleur de fonds). Dans la chaîne de corruption, on les situe entre le décideur et l’usager du service public, le fournisseur, l’exécutant d’un marché, le prestataire etc.

Ce noyau dur est aussi ce mal nécessaire pour notre administration publique car, en général, c’est ce même noyau qui conçoit, développe les politiques, stratégies, projets et programmes de développement. Ce sont les bouffeurs de budget, ils manient ou gèrent les fonds. Tant que ce noyau dur de la chaîne de corruption n’est pas éclaté…eh bien il est utopique de combattre sérieusement ce fléau au Niger. Autrement expliqué, la lutte contre la corruption ne sera une réalité qu’avec la chute des milliardaires de la Démocratie, qu’ils soient aux commandes ou à la périphérie du pouvoir d’Etat. Lequel pouvoir d’Etat semble d’ailleurs ne plus avoir confiance en ses propres démembrements, serviteurs ou représentants comme l’attestent les cas illustratifs du Programme Kandadji institutionnalisé en haut commissariat mais placé sous la tutelle directe du cabinet de la Présidence de la République en lieu et place des ministères du Plan et ou de l’Equipement ; de la HALCIA (un bureau annexe du Ministère de la Justice), le Programme Niamey Nyala (un service des autorités en charge de la Ville), la HANEA (un kiosque du ministère des Mines et de l’Energie) etc. Bien d’autres institutions, Projets et Programmes sont des services de l’administration publique érigés en institution favorisant, au fil de temps, la pire forme de corruption après celle de conscience et d’esprit : la corruption institutionnalisée.

Comment peut–on sortir le pays du gouffre de la corruption lorsque c’est l’autorité de l’Etat elle même qui crée implicitement les conditions matérielles de satisfaire des individus, des partis politiques, des clubs, fadas….par des nominations de complaisance ?

Le gladiateur de la lutte contre la corruption au Niger et cela depuis ses vingt (20) ans passés à l’opposition politique réussira-t-il ou non cette lutte ? A lui seul assurément pas tant que vous et moi ne changions pas de mentalité. Nous devons par commencer à nous interroger sur ce que chaque citoyenne et chaque citoyen doit ou peut faire pour que ce mal qu’est la corruption soit véritablement combattu. La corruption a perverti nos systèmes de gouvernance et nos mœurs politiques depuis plusieurs décennies en dépit de toutes les tentatives de combattre ce mal à sa racine aussi bien en régime de démocratie, d’exception qu’en période de transition militaire. N’est-ce pas cher héros étoilé du 18 février 2010 ? 

Abdoulaye Abdourahamane Ahamadou

NiameySoir