ENTRETIEN : « A court terme, la résilience des populations face aux changements climatiques c’est l’adaptation», a dit Dr Bachir Bodo, Enseignant chercheur à l’Université Boubacar Ba de Tillabéri, Spécialiste des questions de dégradation des sols.


ENTRETIEN : « A court terme, la résilience des populations face aux changements climatiques c’est l’adaptation. En clair, il s’agit d’accompagner ces populations à faire face à aux chocs climatiques en les aidant à développer des initiatives locales génératrices de revenus », a dit Dr Bachir Bodo, Enseignant chercheur à l’Université Boubacar Ba de Tillabéri, Spécialiste des questions de dégradation des sols.

Niamey-Soir (N.S) : Dites-nous quelle est l’explication la plus simple des changements climatiques ?

Dr Bachir Bodo (B.D) : Les changements climatiques, c’est toute forme de variation du climat et des conditions météorologiques que nous constatons sur le long terme. Ce ne sont pas des manifestations à apprécier seulement dans l’immédiat car dans l’immédiat en un endroit X le climat peut paraitre chaud tandis qu’à l’échelle globale ce n’est pas le cas. C’est pourquoi, les scientifiques prennent généralement une marge de 30 ans pour situer les évolutions du climat.

N.S : Parlez-nous des effets les plus courants des changements climatiques ?

B.D : Ils sont nombreux et diversifiés de par le monde. Parmi les effets des changements climatiques les plus courants à l’échelle mondiale, on peut citer la fonte des glaciers polaires. Lorsque les glaces fondent, cela augmente le niveau des mers et entraine comme conséquences particulièrement en occident, une limitation des spéculations agricoles. Par exemple, des cultures qui peuvent se développer sous 30 à 35 degré qui à cause de la montée de la température peuvent être confrontées à une perturbation du cycle végétatif. A cela s’ajoute la modification du régime pluviométrique.

Dans la région du sahel, on a de plus en plus la recrudescence des phénomènes extrêmes avec des pluies récurrentes de 100 à 130mm d’où le problème des inondations. C’est le cas de la ville de Niamey ces dernières années et ces inondations qui qui font des dégâts énormes sont indissociablement liés aux effets néfastes des changements climatiques. Outre les inondations, au Niger, on peut souligner le cycle des sécheresses qui se traduisent par une baisse considérables des précipitations dans certaines parties du pays. Cela a un impact sur les productions agro-sylvo pastorales en ce sens que les populations rurales (agriculteurs /éleveurs) n’auront pas les rendements escomptés pour assurer leur autosuffisance alimentaire. Il y a aussi la désertification qui est un phénomène persistant dans les régions arides et semi arides. L’avancée du désert accentuée par ces changements climatiques est une préoccupation pour les populations. Il importe de savoir que le désert constitue une menace aux ménages, aux habitations, aux infrastructures routières, aux oasis etc. qui peuvent être engloutis du fait de l’ensablement.

Parlez des effets des changements climatiques au Niger, c’est parler surtout de la dégradation des sols. En plus de l’action de l’homme qui dégrade les sols et des activités anthropiques qui dégradent le couvert végétal, le changement climatique y contribue également. Il est courant de remarquer dans certaines localités du pays, un dépérissement du couvert végétal où des champs ressemblent à des cimetières.

N.S : Quelles sont les précautions à prendre pour la résilience des communautés aux changements climatiques ?

B.D : A court terme, la résilience des populations face aux changements climatiques c’est l’adaptation. En clair, il s’agit d’accompagner ces populations à faire face à aux chocs climatiques en les aidant à développer des initiatives locales génératrice de revenus. Ceci pour leur permettre d’améliorer leurs conditions de vie peu reluisantes à cause des inondations, les sècheresses, la baisse de la production agricole, le dépérissement du couvert végétal dont je parlais tantôt.

Concrètement, je pense que l’Etat et les partenaires doivent adopter l’approche terroir. Elle consiste à faire des investissements à l’échelle du terroir après une identification minutieuse des potentialités et des contraintes. Ensuite, mettre en œuvre des projets de développement adaptés afin de permettre aux populations d’en tirer profit et renforcer leur résilience.

 

Du reste, au Niger, nombreuses femmes en milieu rural pratiquent des activités comme les maraichages pour écouler leurs produits dans les marchés des en zones rural et urbaines. Je crois que ces femmes sont à encourager au Niger où la campagne agro-pastorale ne dure que 3 mois sur 12. Elles sont vraiment à encourager d’autant plus que les femmes et les enfants sont des cibles fragiles les plus touchées en cas de choc climatique. Cette approche terroir peut permettre au pays d’amorcer un vrai développement.

N.S : Que pensez-vous de la volonté politique du Gouvernement à lutter contre les changements climatiques ?

B.D : Rappelez vous que le Niger a pris des engagements dans ce sens notamment lors de la COP 26. Mieux, le Gouvernement a adopté juillet dernier en Conseil des Ministres la stratégie nationale d’adaptation face aux changements climatiques dans le secteur agricole (SPN2A, 2020 2035) et son plan d’actions 2022-2026. Cette stratégie a été élaborée dans le cadre de l’opérationnalisation de la contribution déterminée au niveau national (CDN) révisée. Elle vise à répondre à la complexité des enjeux de l’adaptation aux changements climatiques de la gestion durable des ressources naturelles et de la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
C’est une initiative à saluer parce qu’elle a pour finalité d’assurer un développement agricole durable et intelligent face au climat, à travers le renforcement de la résilience et l’adaptation des populations rurales face aux événements climatiques extrêmes et aux facteurs de risques et mutations, à court et moyen terme.
A cette stratégie, il faut ajouter que plusieurs programmes et projets sont en instance de démarrage (d’autres le sont déjà comme le PRAPPS) pour permettre au Niger de renforcer la résilience des communautés face aux changements climatiques et dans le même temps assurer faire accélérer le développement.

N.S : Quelle appréciation faites-vous de l’engagement de la jeunesse contre les changements climatiques ?

B.D : Il y a des nombreuses initiatives de la jeunesse sur les questions de changement climatique. Je trouve que la jeunesse nigérienne est beaucoup plus engagée sur cette question que celle des autres pays de la sous-région. C’est dire que la jeunesse a certainement compris l’enjeu. C’est une bonne chose parce que les tendances climatiques montrent un futur terrible pour les générations à venir.

 

C’est impressionnant de voir des jeunes lutter contre les changements climatiques à travers des activités (formations, rencontres d’échanges et de réflexion, actions de reboisement, sensibilisation des communautés etc.) sur fonds propres. Des jeunes se sont volontairement engagés aux côtés de leurs communautés pour faire face aux défis liés au dérèglement climatique. Cependant, cela ne suffit pas. Les décideurs à savoir les plus hautes autorités du pays doivent encourager ces jeunes et les impliquer de manière active pour jouer leur rôle dans les instances de prise de décision qui concernent les enjeux environnementaux. Autrement expliqué, il est important que la jeunesse soit représentée dans tous les comités techniques de pilotage des questions sur le changement climatique.

N.S : Quel est votre mot de fin ?

B.D : C’est une note d’espoir. J’ai espoir que notre pays peut continuer à se donner les moyens d’adaptation et d’atténuation des effets des changements climatiques. C’est un espoir légitime au vu l’engagement fort de la jeunesse nigérienne dans ce domaine, de la communauté scientifique (universités et autres entités publiques et privées de recherches) sur l’amélioration des agro systèmes du Niger. Je vous remercie.

Propos recueillis par Salamathou Alaké