LETTRE OUVERTE : Au grand frère et ex camarade Issoufou Mahamadou


Cher frère,
« DIEU a créé l’oiseau pour chanter, l’araignée pour tisser sa toile ; le singe pour grimper ». C’est ce que l’Avocat Emérite, Feu Me Kader Chaibou (Paix à son âme), a écrit dans son livre « Dossiers brûlants de la République ». Le paraphrasant, je dirais que Dieu a créé des intrigants pour comploter et assassiner des dignes fils du pays dans le seul but d’accéder aux ors de la République. Dieu a aussi créé des faux amis et des faux frères capables de fomenter les complots les plus sordides qui nous révèlent les hommes politiques nigériens comme les plus cyniques du monde poussant les citoyens à réclamer, à juste titre, une transition militaire de dix années.
J’ai choisi aujourd’hui de t’écrire cette énième lettre ouverte, suite à la récente commémoration du 25 ème anniversaire de la mort du président Baré sans que lumière n’ait été faite sur cette mort, alors que tu focalises l’opinion nationale internationale suite aux évènements du 26 juillet 2023 qui, fort heureusement, n’ont occasionné aucune perte en vies humaines. C’est pourquoi, je porte aujourd’hui les quadruples casquettes de petit-frère, d’ancien camarade de parti, ton parti, de Conseiller Spécial et frère du président Baré, et surtout celle d’un ancien pensionnaire du Lycée National de Niamey, où tu avais débarqué en 1969, en provenance du CEG de Madaoua, l’année du bouclage de mes deux années de présence dudit établissement. Est-il alors utile de rappeler aux uns et autres tentés de s’inviter dans un débat qui ne les concernent pas, que nous nous sommes rencontrés et connus la toute première fois dès l’an 1969 dans la Cour du Lycée National par l’intermédiaire de celui que tu appelais alors affectueusement « Bébé », à savoir Ibrahim Alassane (paix à son âme), mon ami originaire du même bled que toi, c’est-à-dire Illéla qui nous a malheureusement quittés en 2012 ?
Alors, les (2) deux questions légitimes que je me suis posées, avant de me décider à t’adresser ce petit mot sont les suivantes :
– Dois-je me taire et ruminer ces évènements d’une grave importance pour mon pays ?
– Ou alors dois-je me mettre à la disposition de l’opinion publique nationale pour lui livrer ma part de vérité qui pourrait apporter un éclairage, aussi infime soit-il, dans l’appréciation de la situation politique de notre pays ?
Mes interrogations légitimes sont les suivantes :
1- Pourquoi as-tu refusé d’assumer le fait que ton parti était à l’origine de la crise institutionnelle par ton attitude radicale vis-à-vis du président Mahamane Ousmane dont le summum a été la lettre adressée fort opportunément le 26 janvier crise 1996, (veille du coup d’Etat) par le président de l’Assemblée et président de parti que tu étais, au président de la Cour suprême, lui demandant de destituer, dans les meilleurs délais, le président de la république en exercice pour incapacité ?
2- Reconnais-tu aujourd’hui, qu’en menant cette action périlleuse qui a été, de l’avis de tous les observateurs, le principal s déclencheur du coup d’Etat du 27 janvier 1996 du Colonel Baré, que tu as été, conséquemment, un complice actif ?
3- Pourquoi tu n’as daigné condamner et combattre ledit coup d’Etat que lorsque tu as compris, quelques heures plus tard, que les militaires n’avaient aucune intention de te remettre en selle, toi et tes autres complices du MNSD, contrairement à vos calculs ?
4- Pourquoi as-tu omis de dire à tes camarades, qu’au cours des deux mois qui ont suivi ce coup d’Etat (mars -avril 1996), je t’ai personnellement conduit à deux reprises, au domicile du président du Conseil de Salut National (CSN), Chef de l’Etat, le Colonel Baré pour des pourparlers que je voulais sincères ?
5- Pour quelles raisons, lors de ce round de négociations, as-tu commis la maladresse d’exclure l’hypothèse d’une candidature du Colonel Ibrahim Baré et donc considérer qu’il devait soutenir ta seule candidature ?
6- Pourquoi as-tu omis de confesser à tes camarades que tu m’as invité à ton domicile, en envoyant comme émissaire, ton complice de toujours, Foumakoye Gado au domicile de mon petit frère où je séjournais, pour m’entendre dire en sa présence que tu souhaitais que je soutienne ta candidature à la présidentielle en tant que membre de ton parti ?
7- Pourquoi m’en as-tu voulu dès que la candidature du président Baré a été affichée, alors même que j’avais pris la précaution de prévenir que je ne pouvais envisager cette hypothèse que si le général Baré n’était pas candidat ?
8- Après toutes ces péripéties, pourquoi as-tu contesté violemment les élections présidentielles post Transition des 7 et 8 juillet 1996, remportées par le candidat Indépendant Ibrahim Baré suivant l’Arrêt 96-07/CC du 21 juillet 1996 de la Cour Suprême ?
9- As-tu mesuré le risque pris sur ta carrière politique en formant, au mois de janvier 1997, un regroupement de partis politiques dénommé FRDD dont tu étais le moteur, et en organisant une insurrection s’apparentant à une atteinte à la sûreté de l’Etat, dont le but était « d’amener les bailleurs de fonds, en particulier européen, à renoncer à verser au Niger une tranche de crédits d’un montant de sept (7) milliards de FCFA » ?
10- Pourquoi n’as-tu pas assumé cette maladresse en sollicitant Me Adrien Houngbedji, Député Béninois, de venir plaider ta cause, ce qu’il a fait en foulant le sol nigérien, porteur d’un message du président Mathieu Kérékou à son frère, le président Ibrahim Mainassara Baré et pourquoi n’as-tu pas respecté les clauses de l’accord qui a permis ta libération après seulement quelques jours de détention, avec l’engagement de ne plus marcher sans autorisation ?
11- Pourquoi, du temps de ton opposition au président Baré, de 1997 jusqu’à son assassinat le 09 avril 1999, as-tu profité de son humanisme et de son refus d’avoir du sang sur les mains et de faire de toi un martyr, pour faire le tour des casernes pour demander le renversement de son régime ?
12- Pourquoi à la fin de la transition qui a suivi l’assassinat du président Baré, as-tu accepté d’être le principal leader politique qui a protégé les assassins en leur assurant une amnistie à toute épreuve, verrouillée par l’article 141 de la constitution de la 5ème république et en rappelant la loi d’amnistie dans la constitution de la VII République ?
13- Quel rapport particulier avais-tu entretenu, depuis la fin de la Conférence Nationale Souveraine, avec le principaux bras armés de l’assassinat à savoir, le Commandant Daouda Mallam Wanké, Chef de la garde présidentielle, surnommé par la presse « boucher de Yélou », et son Adjoint, le Commandant Abdoulaye Mounkaila, sachant bien que ce dernier nommé avait été radié de l’armée suite à des accusations d’actes de déstabilisation portés contre lui par le président Mahamane Ousmane et rappelé dans les rangs de l’armée par le président Baré pour des raisons humanitaires ?
14- Le Commandant Daouda Mallam Wanké, ne faisait-il pas partie des 10 officiers venus lire une déclaration devant les délégués de la Conférence Nationale Souveraine pour demander la radiation pure et simple des rangs de l’Armée des officiers politiques donc proches de Kountché et Ali Saibou, dont le Commandant Baré ?
15- As-tu été au parfum ou as-tu participé au plan des conspirateurs de l’assassinat du président Baré consistant à abattre l’hélicoptère le transportant soit après son décollage de Niamey, ou en cas d’échec du premier scénario, de le faire abattre par des éléments de la Garde Présidentielle, spécialement dépêchés à Inatès par les commanditaires du crime ?
16- Pourrais-tu me dire si tu as été informé de l’échec de la mission du commando chargé de tirer à vue sur ma personne aussitôt après avoir assassiné le président le 09 avril 1999 et comment as-tu réagi ?
17- Fais-tu partie des personnes qui ont inspiré le premier ministre pour faire son célèbre discours radio télévisé lu vers 15 heures le 09 avril 1999, jour de l’assassinat, dans lequel, il affirmait que le président Baré est mort « suite à un accident malheureux » en conformité avec le plan des conspirateurs, consistant à abattre l’avion d’une roquette au décollage de Niamey ou à l’atterrissage à Inatès ?
18- Etais-tu informé du voyage fatal, qui permit de disposer autorités de deux (2) pilotes Burkinabé pour l’hélicoptère devant piloter le président Baré dans le but d’endormir sa vigilance ?
19- Etais-tu au courant de la tentative d’assassinat du président Baré consistant à abattre l’avion présidentiel « Monts Bagazane » à l’amorce de sa descente sur l’aéroport de Niamey à son retour de Pèlerinage des Lieux Saints de l’Islam, le vendredi 02 avril 1999 ?
20- A ce jour, as-tu rendu visite aux familles des victimes collatérales de l’assassinat à savoir le chauffeur du président Baré, le Sergent Mallam Souley Kané Abdou, le Lieutenant Harouna Abdou Idé, S.E Ali Sahad, consul du Niger en Libye au moment des faits et ami personnel du Président et cousin de ton ami Mohamed Bazoum ?
21- As-tu daigné assister aux obsèques de ton ami et soutien à la présidentielle post assassinat de 1999, Daouda Mallam Wanké à sa mort en 2004 et depuis, as-tu pu te rendre à Yélou pour te recueillir sur sa tombe ?
22- As-tu été interrogé par la gendarmerie lors de l’enquête sommaire menée en seulement 2 jours en août 1999 sur la demande insistante de l’Union Européenne ?
23- Peux-tu confirmer aux Nigériens que tu fais partie des hommes politiques, véritables commanditaires de l’assassinat, qui sont entrés en contact avec les conspirateurs dès le premier jour de l’assassinat pour e réjouir de l’assassinat du président et les féliciter d’avoir « scier le Baobab », nom de code de l’opération ?
24- Pourquoi as-tu fais un traitement différencié entre la veuve Baré et la veuve Wanké à qui tu as attribué sans base légale une résidence de l’Etat ?
25- Pourquoi as-tu été le principal artisan de l’inscription d’une amnistie pour les auteurs, co-auteurs et complices du coup d’Etat du 09 avril 1999 dans la constitution du septembre1999 alors même que tu savais pertinemment que le 09 avril, il s’est agi d’un assassinat à cette date puisque le coup d’Etat n’est intervenu que le 11 avril 1999 sous ta férule intrigue et celle du président Tanja selon des observateurs avertis ?
26- Pourquoi n’as-tu pas, à l’instar des autorités des 5ème, 6ème et 7 ème Républiques, aujourd’hui balayées, voulu de l’ouverture d’une enquête indépendante sur la mort du président Baré ?
27- Pourquoi, après t’être autoproclamé« admirateur du Calife Omar, protecteur de la veuve et des orphelins » dès ton accession à la magistrature suprême en 2011, as-tu fait la promesse ferme à la Veuve Clémence Aissa Baré et à ses deux (2) enfants lors d’une audience au palais présidentiel en 2012 de l’ouverture d’une enquête sur la mort du président Baré sans jamais la tenir, obligeant ainsi la Famille Baré élargie à saisir la Cour de justice de la CEDEAO pou de violation des droits de l’homme en 2013 ;
28- Pourquoi n’avais-tu pas relevé le défi lancé à ton parti en 2014 d’ouvrir une enquête sur la mort du président par Hama Amadou alors président de l’Assemblée nationale suite à la rupture de votre alliance ;
29- Pour quelle raison, en dépit du fait que l’arrêt du 23 octobre 2015 de la Cour de justice de la Cedeao ait affirmé « un droit à la la vérité pour les victimes » et précisé, en son point 54, que « les lois d’amnistie ne sauraient constituer un voilage forcené du passé, une fin de non-recevoir péremptoirement opposée à toute entreprise légitimement curieuse de connaître la vérité », et que « La loi d’amnistie laisse intact le droit à la vérité…. », tu n’as pas daigné ouvrir une enquête ?
30- Pourquoi n’as-tu jamais cessé d’être particulièrement acerbe avec le président Baré et sa communauté d’origine, même plus de deux décennies après sa mort ce, malgré toutes les concessions que ce dernier a eu à te faire lorsque tu t’étais inscrit dans l’opposition radicale à son régime, en battant tous les records d’obséquiosité à son égard ?
31- Pourquoi cette animosité légendaire t’a-t-elle conduit à faire subir à la Famille Baré Mainassara des dénis de justice qui ont eu pour conséquence la saisine, à trois (3) reprises de la Cour de justice de la CEDEAO durant les treize (13) années du règne de la « Renaissance », d’avril 2011 à juillet 2023, pour plusieurs violations des droits humains ?
32- Pour finir, ne penses-tu pas comme moi, en toute sincérité, que le général Abdourahamane Tiani, pour sa bravoure et son patriotisme qui a permis à notre pays d’être en voie de conquérir sa souveraineté, mérite de rester à la tête d’une Transition de cinq ans assortie d’une éligibilité à deux mandats consécutifs de cinq ans ?
En tant qu’acteur politique majeur lors de l’assassinat du Président Baré, le peuple nigérien, les parents amis et connaissance du défunt président Baré et au-delà, la communauté internationale attend toujours tes réponses aux questions posées, parce que, comme tu le sais, nous sommes tous appelés à quitter un jour ce bas monde.
Si tu choisis de garder le silence, je noterai que « le silence est une opinion », comme l’a si bien dit le célèbre peintre, Henri Moret.
Je m’en tiens à ces propos, d’autant plus que mon long et fructueux séjour dans le beau pays de la Téranga (les hommes politiques y sont très intelligents et conséquents) m’a fort heureusement enseigné que « la Sagesse recommande de ne pas dire tout ce que l’on sait ».
Par Djibrilla Baré Mainassara
Economiste, Délégué à la Conférence Nationale Souveraine (1991)
Membre fondateur et président de la Section PNDS du Sénégal
Ancien Conseiller Spécial du président Baré.
Ancien Auditeur Interne au Siège de la BCEAO
Candidat à l’élection présidentielle 2020-2021*
Publiée dans L’Enquêteur N°3214 du vendredi 30 mai 2024