Gouvernance démocratique : Le Niger renoue avec les manifestations publiques de contestations populaires


(Niamey – Dimanche 18 Septembre 2022) : C’est une véritable marée humaine qui s’est mobilisée en début de matinée à Niamey la ville capitale du pays répondant à l’appel d’une trentenaire d’organisations de la société civile réunies au sein du Mouvement M62. La manifestation de marche suivie de meeting marqué par une déclaration publique a été autorisée par le Maire Central de la Ville après plusieurs interdictions systématiques à différentes structures de la société civile  et ce, depuis l’installation des nouvelles autorités en avril 2021 à l’issue des élections de Février 2021. Les autorités municipales de Niamey évoquaient, entre autres, la situation sécuritaire, la pandémie de la COVID-19 et les risques de troubles à l’ordre public pour motiver les interdictions à manifester.

Tout au long de l’itinéraire, les manifestants brandissant le drapeau de la Russie scandaient des slogans hostiles au régime de Niamey et à la France : « le Niger, un pays à deux présidents » ; «  La France finance et parraine le Terrorisme au Sahel » ;  « 62 ans de l’exploitation de l’Afrique noire ça suffit ! » ; «  Nous exigeons le départ pur et simple de toutes les bases militaires étrangères en Afrique » ; « l’Armée coloniale BARKHANE doit quitter » ; «  Au secours Poutine, la France a mis le Niger en otage » etc

M. Abdoulaye Seydou, Coordonnateur du Mouvement M62 a profité de l’occasion pour dresser un tableau peu reluisant du pays au plan économique, social puis sécuritaire. La cherté de la vie, la récente hausse du prix de litre de Gasoil, la gestion opaque des retombées des ressources naturelles (le pétrole), la dépravation des mœurs politiques au plus haut sommet de l’Etat, l’installation des bases militaires étrangères en toile de fonds le départ de la Force Barkhane. En substance, le Mouvement M62 a demandé au Gouvernement l’annulation de la mesure portant augmentation du prix du gasoil ; l’adoption de mesures concrètes contre la vie chère l’augmentation du revenu des travailleurs y compris le salaire minimum interprofessionnel (SMIG). Aussi, il le M62 a exigé la traduction de l’ancien Président de la République, M. Issoufou Mahamadou devant les juridictions pour haute trahison dans le cadre de la construction du chemin de fer.

« Cette grande mobilisation est un message du peuple Nigérien déterminé à nous accompagner pour la restauration de sa Dignité et la Défense de la souveraineté nationale.  Le peuple nigérien a compris la légitimité de notre engagement pour dire Non la cherté de la vie, à l’augmentation du prix du gasoil, à l’installation des bases militaires étrangères etc » a renchéri M. Anass Djibril, membre actif du Mouvement M62.  « Il s’agit pour nous d’exprimer notre ras-le-bol par rapport à la Gouvernance actuelle de notre pays. Une Gouvernance caractérisée par le détournement massif des deniers publics, la corruption et l’impunité » a ajouté Mme Falmata Taya dans une colère à peine contenue. « C’est une molestation citoyenne, les sujets débattus nous concernent tous sans considération politique » a souligné M. Laouali Mato Nassirou, acteur politique. «  Des hommes politiques croupissent encore en prison à cause de leurs opinions alors que des délinquants économiques et financiers qui ont pillé des milliards se promènent sans être inquiétés parce qu’ils sont proches du pouvoir. Elle est où la justice sociale ? » s’interroge pour sa part M Ismaël Yaye,

Concernant la cherté des produits de première consommation, « Le gouvernement devrait activer les services de contrôle des prix et la police économique pour mieux appliquer les mesures prises de commun accord avec les acteurs économiques et la société civile. Le secteur informel nigérien représente près de 50% du PIB, ce qui rend le taux du prélèvement  fiscal  très faible par rapport au PIB. » a expliqué quelques jours auparavant M. Isssoufou BOUBACAR KADO MAGAGI, analyste de la scène socio politique nigérienne.

Sur 3km, de la place Toumo (point de départ des manifestants) à la place  de la Concertation sise à la devanture de l’Assemblée Nationale (lieu du rassemblement), la foule de manifestants a respecté son itinéraire dans la discipline et chose curieuse, il n’a pas été ressenti le traditionnel déploiement de dispositif sécuritaire (Police ou Gendarmerie) pour parer à tout éventuel débordement de la foule. La manifestation s’est tenue dans un contexte sociopolitique national marqué par l’insécurité dans les régions de Diffa, Tillabéri, Tahoua et plus récemment à Maradi.  Cette insécurité a rendu plus complexes les défis humanitaires surtout dans les régions frontalières où les populations fuient leurs habitations. A date 890 écoles sont fermées dont 855 écoles primaires et 35 du niveau secondaire, totalisant un effectif de 72 000 élèves dont 38 194 filles et plus de 2430 enseignants au chômage du fait de l’insécurité.

« Je constate qu’il y a eu mobilisation, la société civile est dans son rôle, Les points développés par les organisateurs concernent tous les citoyens : la cherté de la vie, l’insécurité et la mauvaise gouvernance. J’estime qu’il n y a pas de Démocratie au Niger, nous sommes sous un régime autoritaire, cela a été constaté par un délégué spécial de l’ONU par rapport aux restrictions des libertés publiques dans notre pays. Pour preuve, cette manifestation est la première du genre depuis l’installation des nouvelles autorités » a affirmé Djibril Baré, acteur politique.

« Dans une vraie démocratie c’est le peuple souverain qui choisit son Président mais au Niger, c’est la France qui impose un Président. La France est là pour défendre ces intérêts pas ceux du peuple Nigérien. Comment peut –on parler de Démocratie ? » a martelé Mounir Salifou Oumarou, un manifestant au micro  de NIAMEY-SOIR

Du côté de la majorité politique au pouvoir, certains estiment que cette manifestation est un non évènement, d’autres soupçonnent la Russie de la soutenir. Une chose est sure, la presse locale et les resaux sociaux ont plusieurs fois rapporté qu’un Mouvement de soutien aux actions du Président de la République, Chef de l’Etat, M. Mohamed Bazoum serait en train d’être crée. Pourtant, le chef de l’Etat, rappelle-t-on, bénéficie déjà du soutien du principal parti au pouvoir le PNDS-TARAYA (son parti), de ses alliés politiques réunis au sein de la Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN) avec une majorité confortable à l’Assemblée Nationale.

Il sied de souligner que cette manifestation publique est la première du genre depuis le 2 Avril 2021 date de l’installation officielle des nouvelles autorités au Niger à l’issue de l’élection démocratique du 21 Février 2021. Elle s’est tenue pendant que le climat socio-politique du pays est marqué par un rétrécissement de l’espace civique. Outre les interdictions systématiques des manifestations publiques citoyennes de 2018, 53 autres manifestations et réunions pacifiques des Défenseurs des Droits Humains ont été interdites depuis 2014 avec 1091 citoyens arrêtés. Pour rappel, le mouvement M62 – Mutunci / Burcintarey : Union Sacrée pour la Sauvegarde de la Souveraineté et de la Dignité du Peuple a été lancé à Niamey le 3 Août 2022 à l’occasion du 62ème anniversaire de l’indépendance du Niger.

 

 

 

 

 

 

 

Yahaya Aghali Oullame / NIAMEY-SOIR

(Reportage réalisé avec l’appui de International Média Support)