Le Projet PBF au Niger : l’implication des femmes et les jeunes dans la résolution pacifique des conflits communautaires à Tillabery (Descente de presse)
Du 26 au 31 janvier 2021, une importante délégation de journalistes des médias publics et privés, a effectué une descente de presse dans la région de Tillabéry. La mission s’inscrit dans le cadre du suivi du projet : «L’implication des jeunes et des femmes dans la résolution pacifique des conflits communautaires dans la zone nord de Tillabery ». Le Projet intervient précisément dans les Communes d’Abala, Ayerou, Sanam,Tondikiwindi,Inatès, Makalondi et Téra. Il est financé par le Fonds du Secrétaire Général des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix (UNPBF). Ce fonds, rappelle-t-on, est l’instrument financier utilisé en premier recours par le Système des Nations Unies pour maintenir la paix dans les pays ou situations où un conflit violent risque d’éclater ou sévit déjà.
Au Niger, la région de Tillabéri, est devenue très instable en raison de nombreuses attaques meurtrières attribuées à des groupes djihadistes visant des positions de l’armée, des populations civiles dont des camps de réfugiés. La situation a eu pour conséquences plus de 10.000 personnes déplacées depuis 2017 et plus de 40.000 personnes dans 43 villages de la région pourraient être déplacées si l’insécurité se détériore davantage, selon une analyse conduite par l’OECD.
L’UNICEF, l’UNFPA et l’UNHCR, les trois (3) agences des nations unies bénéficiaires de du fonds UNPBF. L’UNFPA et l’UNICEF ont pour rôle de mettre en œuvre ce projet à Tillabéry en apportant leur expertise technique dans la gestion et la résolution des conflits ainsi que leur expérience dans la mobilisation des autorités traditionnelles et religieuses pour la réalisation des droits des Communautés. Quant à l’UNHCR, il apporte son expertise au niveau du volet autonomisation entrepreneuriale du Projet. Ces trois agences des nations unies collaborent avec des ONGs Nationales pour exécuter les activités du Projet sur le terrain : ONG FAD pour le compte de l’UNICEF, ONG APPADN, ONG REPSFECO et FAD pour l’UNFPA et enfin, ADES pour le compte de l’UN HCR.
La mission des journalistes qui a duré cinq (5) jours à Tera et Abala vise plusieurs objectifs. Il s’agit de documenter le paquet intégré d’interventions de ces agences (UNICEF, UNFPA et UNHCR) pour la consolidation de la Paix ; rapporter les efforts de stabilisation et de consolidation de la Paix dans la zone nord Tillabéry, documenter la résilience des populations et enfin, rapporter la compréhension et l’appropriation des autorités décentralisées et des leaders religieux relativement à la participation des jeunes dans la consolidation de la paix et leur implication dans les instances décisionnelles. C’est ainsi qu’à chaque étape de la mission, des entretiens sont conduits par les journalistes avec les jeunes bénéficiaires du Projet, les autorités administratives, traditionnelles et religieuses. En clair, le focus a porté sur interventions multisectorielles du Projet PBF : les interventions dans ’’les makaranta’’(les écoles coraniques) avec un accent particulier sur le rôle des Maitres et des élèves dans le maintien de la paix, le renforcement du leadership de jeunes en leur donnant les moyens de pérenniser la paix dans leurs communes, la formation professionnelle des jeunes pour leur autonomisation économique, la sensibilisation et la formation des jeunes filles et garçons sur les mécanismes de prévention et de gestion des conflits, la circulation illicite des armes à travers des audiences publiques, émissions radio et les thé-débats.
Commune Urbaine de Téra, première étape de la mission
A Téra, la mission a été accueillie par M. Hamma Mamoudou, Maire de la Commune Urbaine qui a présenté un bilan des différentes réalisations du Projet au niveau de son entité. Selon ses explications, quatre-vingt-dix (90) jeunes âgés de 15 à 24 ans ont été sélectionnés dans sa commune où ils ont ensuite suivi des formations sur plusieurs thématiques : la culture de la paix, la gestion et la prévention des conflits, le leadership féminin, la citoyenneté, la vie associative, la violence basée sur le genre et les droits humains. Il a mentionné des activités du projet PBF qui ont impliqué principalement les jeunes et les femmes : La création des espaces citoyens équipés, des Fadas (espace jeunes), l’animation de la Radio coaching des jeunes, l’initiative des conseillers juniors de la commune, des activités communautaires civilo-militaires, de sensibilisation et d’intérêt général.
« Avant ce projet, les jeunes et les populations de Téra vivaient dans la psychose et de la méfiance à cause de l’insécurité. Aujourd’hui, les activités du projet ont permis de créer un climat de confiance chez les populations et de les rassurer, de rapprocher les jeunes à travers des échanges interactifs sur la Collectivité puis les populations et les forces de défense et de sécurité (FDS) à travers les activités civilo-militaires. Ce projet nous a été d’une grande utilité dans la gestion et la prévention des conflits » a témoigné M. Hamma Mamoudou, Maire de la Commune Urbaine de Téra.
Interviewée sur place, Mme Maimouna Nabiou Idrissa, membre du Comité Communal Consultatif, dit apprécier les impacts de l’intervention du Projet relativement à l’amélioration des conditions de vie des populations. « Le projet a édifié les jeunes et les femmes de la commune de Tera sur le rôle important qu’ils peuvent jouer pour dynamiser la cohésion sociale et assurer la coexistence pacifique des communautés » a-t-elle renseigné.
Ces propos ont été confirmés par Latifa Oumarou (18 ans) rencontrée au niveau de l’Espace Citoyen et qui a bénéficié d’une série de formations sur la culture de la paix, les Violences Basées sur le Genre (VBG), la prévention des conflits, le plaidoyer, la communication et le leadership associatif. «A l’occasion de la Journée internationale de la Paix à Tillabery, nous avions eu l’honneur de rencontrer le Gouverneur de la région. De nos échanges, je retiens que le changement social passe par une bonne communication car c’est elle qui fait passer le message. Aussi, j’ai particulièrement aimé la formation sur la prévention et la gestion des conflits parce qu’elle m’a permis d’être plus proche de nos communautés avec lesquelles nous discutons régulièrement des préoccupations qui les concernent » a souligné Latifa Oumarou, jeune bénéficiaire du Projet.
Pour sa part, M. Massaoudou Mohamed (23 ans), Maire junior de Téra, bénéficiaire du projet s’est confié aux journalistes par rapport aux résultats de l’UNPBF. A comprendre M. Massaoudou, les 90 jeunes bénéficiaires du Projet au titre de la commune urbaine de Téra ont été formés pour devenir aujourd’hui des ‘’vrais ambassadeurs de la Paix’’. « Ce sont eux qui véhiculaient les messagers de paix et de cohésion sociale au cours des audiences publiques, les débats radios et thé-débat, dans les fadas et autres espaces publics » précise-t-il.
Deuxième étape de la visite : Tourikoukey
La délégation des journalistes a recueilli les propos Abdoul Wahab Mounkaila (25 ans), Conseiller junior. Outre les formations, explique-t-il, à Tourikoukey plusieurs jeunes filles et garçons âgés de 10 à 14 ans issus des zones de conflits ont reçu des enseignements dans des écoles coraniques informelles localement appelées : « Makaranta ». Ces enseignements ont porté sur les dangers du terrorisme et la promotion des pratiques de consolidation de la paix et de la cohésion sociale. Il a indiqué que ces jeunes ont reçu du Projet PBF, des vêtements, hijabs (Bourka), bonnets, sacs et autres manuels d’études. Abondant dans le même sens, M Abdoul Kadri Idrissa, maître d’école coranique a renchéri que la formation reçue a permis d’élever le niveau de compréhension des apprenants. Ces derniers, conclut-il, ont été édifiés sur l’extrémisme violent et la conduite sociale recommandée dans un contexte sécuritaire fragile.
Cap sur Abala….
La mission s’est également rendue dans le Département d’Abala situé à environ 250 km de la capitale Niamey. Elle a été accueillie par M. Souley Issa 1er Adjoint du Maire de la commune rurale d’Abala. Il s’est entretenu largement avec les membres de la délégation sur les activités menées dans sa localité dans le cadre du projet PBF.
Parlant de l’impact du Projet dans son entité, M. Souley Issa a profité de cette rencontre pour exhorter les plus hautes autorités du pays ainsi que les partenaires au développement à plus d’égards à l’endroit des jeunes dans les zones sensibles où ils sont plus exposés et tentés par l’extrémisme violent à cause du chômage et du désœuvrement. « Ce projet a la particularité d’occuper ces jeunes et de les responsabiliser, c’est aussi cela notre objectif » a indiqué M. Souley Issa. C’est le cas de Hindou Yacouba (13 ans), jeune conseillère junior qui a suivi la formation sur la prévention et la gestion des conflits, la vie associative etc…« Les formations m’ont permis de comprendre mon rôle et de le jouer au mieux dans la prévention et la gestion des conflits en tant que jeune» a-t-elle signalé.
Issaka Modi, membre du Comité de Paix mis en place par le projet à Abala, a souligné l’importance de la formation sur la promotion de la paix des jeunes apprenants dans les écoles coraniques informelles ou ‘’Makaranta’’. Il a beaucoup insisté sur l’importance de la vulgarisation de l’argumentaire islamique développé par le Projet PBF sur la consolidation de la Paix. Comme dans les localités précédentes, à Abala, les témoignages recueillis sur place ont surtout insisté sur le changement comportemental positif observé chez les jeunes et cela grâce aux échanges interactifs dans les ‘’fadas’’ (regroupement des jeunes), les espaces citoyens et la radio communautaire. Lesquels échanges ont contribué, selon lui, au raffermissement des liens de solidarité et d’entente mutuelle entre les différentes communautés du Département. Mieux, M. Zoubeirou Doua, chef de village à Abala a insisté sur la durabilité du projet PBF. Il a formulé le vœu de voir le projet PBF continuer à sensibiliser les jeunes surtout sur les inconvénients de la prolifération des armes illicites.
Nous retenons…
La descente de presse dans la région de Tillabéry plus précisément dans les départements de Téra et Abala a permis aux journalistes de constater de visu les réalisations concrètes du Projet ainsi que leurs impacts tant sur les conditions de vie des populations ou groupes cibles bénéficiaires que sur leurs collectivités respectives. En atteste la montée du leadership féminin, en dépit des pesanteurs socio-culturels, car les femmes et les jeunes filles sont devenues plus en plus proactives et dynamiques aux actions citoyennes telles que les opérations de salubrité, les rencontres et les audiences publiques, les thé-débats. Elles ont été beaucoup édifiées sur leurs droits et les contours de ce qu’il est convenu d’appeler « respect du genre ».
Pour rappel, début mars 2021, les autorités nigériennes ont prorogé l’état d’urgence dans plusieurs départements de la région de Tillabéri à savoir Ouallam, Ayérou, Bankilaré, Abala, Banibangou, Say, Torodi, Téra, Tillabéri ;Gothèye ; Filingué ; Balleyara et Kollo. Ceci traduit à l’évidence toute l’importance du projet : « L’implication des jeunes et des femmes dans la résolution pacifique des conflits communautaires dans la zone nord de Tillabery plus précisément à Téra et Abala ». Un projet qui, de l’avis général, ouvre aux jeunes la voie de leur autonomisation économique, les implique fortement les jeunes dans les efforts de maintien de la Paix ainsi que dans les processus de dynamisation, d’équipement fonctionnel et organisationnel de leurs espaces. L’objectif étant, de les occuper et de les responsabiliser pour ne pas joindre les mouvements terroristes actifs dans la zone.
Nasser ZADA / niameysoir.com