SOCIÉTÉ CIVILE : Le contexte juridique des OSC du Niger s’est détérioré en 2019 (Rapport)


Indice de Pérennisation des Organisations de la Société Civile au Niger en 2019 

CONTEXTE JURIDIQUE: 5,2

La loi no 84-06, modifiée par la loi no 91-006, régit le secteur des OSC au Niger, lequel est composé d’associations et d’ONG. La principale différence est que dans une association les actions profitent à ses membres tandis que les actions d’une ONG profitent aux non aux membres. Les OSC estiment que les lois régissant le secteur ne respectent pas totalement la constitution du Niger ni les exigences de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires et d’autres organisations régionales dont le Niger est membre. Par exemple, la loi ne reconnaît pas les coalitions d’OSC ni les associations de jeunes dequartier, appelées fadas. Ne détenant pas la personnalité juridique, ces organisations ne peuvent pas ouvrir de comptes bancaires, et si elles font l’objet d’un contrôle par les autorités, elles risquent de se voir interdites.

Les OSC doivent être enregistrées pour fonctionner au Niger. Les procédures de création des OSC sont souples, mais longues. Les OSC d’envergure nationale présentent leur demande aux autorités municipales de Niamey, qui l’envoient au MDC/AT. Lorsqu’elles déposent leur demande, les OSC reçoivent un récépissé de la mairie de Niamey. Après trois mois, si le gouvernement n’a pas répondu, elles peuvent commencer à fonctionner dans l’attente de l’autorisation définitive, délivrée par le ministère de l’Intérieur en consultation avec le MDC/AT et les ministères de tutelle. Les OSC d’envergure régionale doivent signer des accords-cadres avec leurs ministères de tutelle et des accords d’exécution avec les régions, départements ou municipalités dans lesquelles elles travaillent. Les organisations internationales doivent obtenir l’accréditation du ministère des Affaires étrangères en plus de l’enregistrement auprès du MDC/AT.

L’enregistrement des OSC connaît un certain de nombre de problèmes, dont les lenteurs administratives et de traitement des dossiers. Les organisations doivent donc faire un suivi régulier de leur demande pour assurer son traitement. Les organisations d’obédience religieuse et les associations de ressortissants de la même zone géographique rencontrent souvent des difficultés d’enregistrement parce qu’elles sont jugées contraires à l’unité nationale. Les organisations à caractère ethno-régionaliste ne sont pas officiellement autorisées à s’enregistrer. De nombreux réseaux, coalitions et autres groupes d’organisations, comme le Cadre de concertation et d’action citoyenne (CCAC), le Cadre d’action citoyenne (CAC), et le Cadre de concertation des associations de jeunesse (CCAJ), fonctionnent sans s’enregistrer, ce qui peut accroître le risque d’arrestation des membres de leur personnel, surtout si les activités de ces organisations dérangent le gouvernement.

Les OSC sont supervisées par leurs ministères de tutelle qui surveillent et contrôlent leurs activités.

Conformément au décret d’application no 84-49 et à leurs contrats-cadres, les OSC nationales et internationales doivent déposer leurs rapports d’activité, états financiers et plans d’action auprès du MDC/AT. Dans le cadre des efforts de renforcement de la surveillance des OSC, le ministère de l’Intérieur et le MDC/AT ont cherché à imposer des exigences plus strictes pour les rapports annuels des OSC. Le MDC/AT a demandé aux OSC de rapporter leurs réalisations par secteur avec les montants engagés pour pouvoir les compiler avec les données étatiques. Le ministère a déclaré que la plupart des rapports déposés par les OSC en 2018 n’étaient pas exploitables parce qu’elles avaient souvent omis d’inclure des informations complètes. Selon le dernier rapport annuel du gouvernement sur les OSC, celui-ci n’a des informations sur l’origine que d’environ la moitié des fonds des OSC. Le ministère a également rappelé aux OSC en 2019 que leur agrément serait suspendu si elles ne déposaient pas leur rapport deux années de suite. Le MDC/AT a demandé aux OSC de soumettre leur rapport d’activité avant le 31 mars, sous peine de se voir retirer leur agrément. Compte tenu de la complexité du format des rapports, certaines OSC ont souhaité reporter cette date. Le MDC/AT n’a pas accepté, mais a suspendu la sanction pour 2019.

Le MDC/AT a également souligné que les OSC doivent publier leurs nouveaux sièges sociaux au journal officiel et qu’un arrêté ministériel de 2019 leur impose de publier leurs états financiers ainsi que la provenance et la destination de tous les fonds. Un canevas a été mis à la disposition des OSC pour la certification de leurs états financiers par un cabinet d’audit agréé. Mais ce canevas a été critiqué par les OSC ainsi que l’Ordre national des experts comptables et des comptables agréés.

Certaines OSC qui sensibilisent le public sur des sujets controversés et critiquent ouvertement le gouvernement se sentent constamment harcelées. Par exemple, bien que les OSC n’aient pas l’obligation de demander l’autorisation de manifester, mais doivent simplement déclarer leur intention de le faire, les autorités interdisent souvent les manifestations, parfois moins de quarante-huit heures avant la manifestation prévue pour des raisons de « sécurité », « d’atteinte à la quiétude sociale » ou « d’atteinte aux forces de défense et de sécurité ». En 2019, les manifestations contre la présence des bases militaires étrangères au Niger ont été officiellement interdites. Toutefois, en mars 2019, les OSC ont obtenu l’autorisation de manifester à Niamey contre la présence de forces étrangères et contre la loi des finances 2019. Certaines personnes qui n’ont pas respecté les interdictions et ont revendiqué leur droit de manifester ont été arrêtées en mai 2019. Les OSC ont droit d’ester en justice et l’ont fait relativement fréquemment en 2019, souvent en raison des interdictions systématiques des manifestations publiques contre la mauvaise gouvernance ou contre les nouvelles mesures fiscales défavorables. Les tribunaux ont tranché en faveur des OSC.

Les ONG et les associations qui œuvrent pour le développement peuvent être reconnues d’intérêt public. Au titre d’une disposition légale adoptée en 2019, les organisations d’intérêt public peuvent se voir attribuer gratuitement des terrains par l’État aux fins de leurs activités comme la construction d’écoles, de centres de santé et de centres pour les jeunes, à condition d’être en règle et de bien collaborer avec le gouvernement. En 2019, il est également devenu plus facile pour les OSC jugées d’intérêt public d’obtenir des terrains pour leurs activités.

La politique fiscale du Niger traite toutes les entités imposables également, y compris les OSC. Les contrats-cadres signés par de nombreuses OSC leur permettent de demander des exonérations sur certains articles importés, mais celles-ci sont difficiles à obtenir parce que les procédures sont rigides. L’État accorde parfois aux OSC des exemptions pour la construction de leur siège, ou d’orphelinats, de formations sanitaires, d’écoles et de logements pour les déplacés. En 2019, le gouvernement a réinstauré la taxe sur les appels internationaux entrants. Le gouvernement refuse les exemptions aux OSC qui n’ont pas déposé leur rapport annuel. Les personnes physiques et morales ne bénéficient par ailleurs d’aucun avantage fiscal pour les dons aux OSC.

La loi permet aux OSC de mobiliser des ressources uniquement à des fins caritatives. Les OSC ont le droit de faire payer pour recouvrer leurs coûts, sous réserve que tous les revenus soient réinvestis dans leurs activités à but non lucratif ou frais généraux. Les OSC doivent avoir l’autorisation du gouvernement pour mener des campagnes de collecte de fonds ou recevoir des dons.

La politique contractuelle nationale permet aux OSC locales de recevoir des fonds publics pour des activités d’utilité publique. Les OSC peuvent accepter des fonds de bailleurs de fonds étrangers, lesquels doivent être déposés dans des comptes de la banque centrale. La loi antiterrorisme de 2014 permet au gouvernement de bloquer les financements étrangers des OSC s’il est établi qu’ils proviennent de sources prohibées. Depuis 2018, la Cellule nationale de traitement des informations financières contrôle la provenance des fonds des OSC pour en attester la régularité. On ne sait pas si des fonds destinés aux OSC ont été bloqués en 2019.

Il n’y a pas de juristes spécialisés dans le secteur des OSC au Niger. Plusieurs avocats, notamment les membres de l’Association des jeunes avocats du Niger, appuient les OSC pour des honoraires en général minimes en cas de difficultés avec le pouvoir central. Les OSC peuvent obtenir des conseils juridiques payants auprès d’autres avocats à Niamey et dans les autres régions.

Sources : Rapport sur l’Indice de Pérennisation des Organisations de la Société Civile au Niger en 2019