Discours prononcé par le 1er Président du Niger, Chef de l’État, feu Hamani Diori, à l’occasion de la Proclamation de l’Indépendance du Niger, le 3 août 1960


«Dans l’allégresse de ce jour, nous oublions nos impatiences contenues, les heures d’incertitude et de doute»
« Monsieur le Président, Représentant les Présidents de la République Française et de la Communauté,
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,

En ce haut moment de notre histoire, c’est un sentiment de profonde fierté qui emplit le cœur des hommes et des femmes du Niger. Je dis que cette fierté est légitime, car elle plonge ses racines dans la dignité sacrée de la personne humaine, dans son besoin de liberté, dans son désir de paix et de fraternité.

Ce que l’indépendance de mon pays apporte au monde, ce n’est pas, ce ne sera pas une attitude négative, mais la réaffirmation de ce qui constitue la véritable noblesse de l’Humanité ; une manière nouvelle de concevoir les rapports entre les Nations, les devoirs, les charges de ces Nations au regard de la Paix du Monde.

L’accession de notre pays à l’état de Nation souveraine s’est accomplie au prix d’une lente et nécessaire gestation. Dans l’allégresse de ce jour, nous oublions nos impatiences contenues, les heures d’incertitude et de doute. Il demeure seulement dans nos cœurs et nos esprits la généreuse compréhension d’une grande Nation qui a su préférer aux anciens rapports juridiques qui nous liaient à elle, des relations d’amitié confiante librement établies. La France et le Niger ont longtemps marché ensemble la main dans la main. La France a assuré nos premiers pas.

Mais au fur et à mesure que notre marche s’affermissait, que notre destinée nous apparaissait à l’horizon de l’histoire, elle nous laissait aller avec nos propres moyens, avec nos propres forces, avec nos propres responsabilités. La France reconnaît aujourd’hui que nous sommes en mesure de continuer, en voyageurs désormais avertis, conscients des obstacles et des embûches de la route. Mais ce que nous aurons appris ensemble, ce que la tradition française aura apporté à notre tradition nigérienne, ce mariage de cultures diverses heureusement accompli, constituent le gage le plus solide de notre mutuelle estime et de notre profonde amitié. Nous entendons l’offrir au monde en exemple de ce que peuvent produire d’indestructibles deux civilisations qui au lieu de s’ignorer, se rencontrent et se confondent.

Au Niger, nous ne nous sommes jamais trouvés devant la tragique nécessité de rejeter ce que l’Occident nous a apporté. Le terme de notre évolution politique a pu être atteint sans cette explosion de brutalité et de haine qui allume ses brasiers sur certaines parties du Continent africain. L’ancienne puissance colonisatrice a su déceler et atteindre les authentiques virtualités que tout homme possède en lui ; permettre leur libre épanouissement ; rendre possible enfin le passage de l’État subalterne au statut définitif dans la Paix, l’Ordre et la Discipline.

C’est pourquoi je veux dire à la Nation Française, à son peuple libéral ; à son Chef prestigieux, le Général de Gaulle ; je veux leur dire qu’en souscrivant sans arrière-pensée à la souveraineté des peuples africains, donnés un nouveau et authentique titre de gloire. Mais il y aurait dans mon propos une impardonnable lacune si je n’assignais au Conseil des quatre États de l’Entente la place de choix qui lui revient. Je veux dire ici combien les responsables de ces quatre États ont œuvré ensemble ; dans le sens d’une évolution commune ; en vue d’un but commun aujourd’hui atteint. Certes, il fallait, à la libre association : Côte d’Ivoire, Dahomey, Haute-Volta, Niger, au-dessus de notre esprit de coopération, un principe directeur, en un mot, une âme. Notre chance fut de trouver en la personne du Président Félix Houphouët-Boigny cette noblesse de caractère, ce bon sens du terroir, cette sage bonhomie, en un mot toutes les qualités qui font du Père de l’Entente le véritable artisan de notre sûre et pacifique ascension.

Qu’au nom du Peuple du Niger, il accepte nos affectueux remerciements, dans lesquels j’associe tous les États Africains d’Expression Française. Mes remerciements vont enfin à tous les représentants des gouvernements qui nous ont fait le grand honneur d’être nos hôtes aujourd’hui. Leur présence dans notre capitale revêt pour nous tous une haute signification. C’est-à-dire que la naissance de la Nation Nigérienne a été annoncée dans le Monde et que de tous les points du Globe, les émissaires sont venus lui apporter le salut des hommes de bonne volonté.

Puissent ces hauts mandataires propager le message de Paix et de Fraternité de notre jeune Nation !

Puissent-ils aller rapporter aux hommes de leurs Pays respectifs que le Niger Indépendant désire ardemment tendre la main à tous ceux qui, de près ou de loin, par le cœur ou par l’esprit, par l’art ou la technique, veulent sincèrement coopérer à l’œuvre fraternelle de sauvegarde et de développement de la civilisation, dans le respect du Génie propre à chaque Peuple.

Vive le Niger Indépendant
Vive la France émancipatrice
Vive l’Amitié Franco-Nigérienne
Vive la Fraternité des Peuples.