NIGER : Des résultats accablants sur la prise en compte du Genre au budget de l’État
Le réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (ROTAB) a organisé du 25 juin au 15 Juillet 2108, la campagne de vulgarisation de « l’Étude sur les investissements réalisés dans le cadre du genre pour l’année budgétaire 2017 ». Réalisée grâce à l’appui financier de l’ONG internationale Oxfam dans le cadre du Projet partenariat stratégique finance et développement, cette étude a concerné trois (3) départements ministériels. La campagne de vulgarisation du document a sillonné les régions de Tillabery, Dosso, Tahoua, Zinder et Agadez. Son objectif était de partager avec les populations desdites régions les conclusions cette étude afin de les édifier sur les enjeux et les défis majeurs liés à la prise en compte du genre dans l’élaboration du budget général de l’État.
Pour rappel, au Niger, les inégalités hommes-femmes se traduisent par des disparités criardes qui se présentent comme un grand défi pour le développement. Et ce, particulièrement dans les domaines de l’alphabétisation, de la mortalité, de la morbidité, de l’accès aux biens, de la violence sexuelle et du mariage précoce. A M. Sidi Abdou, conférencier, de souligner que « Ces goulots d’étranglement sont venus se greffer aux pesanteurs socio-culturelles qui freinent l’épanouissement de la femme rurale déjà astreinte aux travaux domestiques (préparation des repas, corvée d’eau et de bois de chauffe, travaux champêtres, garde des enfants) auxquels elle peut consacrer jusqu’à 16 heures par jour selon les localités du pays ».
Fort de ce constat, le ROTAB a commandité cette « Étude sur les investissements réalisés dans le cadre du genre pour l’année budgétaire 2017 ». L’étude a révélé qu’en 2017, le budget global affecté au genre s’élève à 7 142 949 167 FCFA, soit seulement 0,4% du budget général de l’État. Ce montant représente le budget alloué au genre dans les ministères de la Santé, de l’Éducation et de la Population, objet de l’étude. Le budget consacré au genre représente 3% du budget des ministères susmentionnés qui intègrent l’approche genre dans leur fonctionnement.
Les résultats accablants de l’étude
En clair, a expliqué M. Sidi Abdou, au ministère de la santé, le budget genre représente 7% du budget général du ministère. Seulement près du tiers de ce budget a pu être libéré soit 34%. Quant au ministère de l’éducation, le budget genre ne représente qu’une partie très marginale du budget dudit ministère soit 0,04% précise-t-il. Mais aussi, fait-il remarquer, si presque les deux tiers du budget genre sont libérés (64%), le taux de consommation est encore relativement faible (seul 28% est engagé). Enfin, rapporte le conférencier, au niveau du ministère de la population, le budget genre représente 2% du budget du ministère, la moitié du budget (51%) a pu être libéré pour un taux d’engagement de 45% (moins que la moitié du budget libéré).
Ainsi, de manière globale, en considérant ces ministères qui prennent en charge la question du genre, le budget global affecté au genre s’élève à 7 142 949 167 F CFA, soit seulement 0,4% du budget général de l’État en 2017. Il ressort clairement de cette étude que la répartition du budget genre représente une disparité importante entre les trois (3) ministères considérés. En effet, 98% du budget genre revient au ministère de la santé, contre seulement 1% environ pour chacun des deux (2) autres ministères à savoir l’Éducation et la Population.
Si l’enveloppe allouée au genre parait déjà assez marginale, l’étude déplore qu’elle n’ait pas été effectivement libérée au cours de l’exercice budgétaire 2017. Ainsi seulement 35% de ce budget a été libéré. Or, ceci n’est pas encourageant pour la mise œuvre de la Politique Nationale Genre (PNG) au Niger.
Les efforts du gouvernement dans la promotion du genre
Outre l’élaboration de la Politique Nationale Genre (PNG), le gouvernement du Niger (GON) a également élaboré des politiques internes et soutenu plusieurs protocoles internationaux sur l’égalité des sexes ; l’objectif étant de soutenir la participation des femmes à la gouvernance et à l’économie rémunérée. En effet, le gouvernement exige que 15% des représentants au Parlement et aux gouvernements locaux soient occupés par des femmes (ndlr : Banque mondiale 2016). Aussi, l’article 5 (2012) de la loi n ° 2012-45 interdit aux employeurs d’exercer toute discrimination fondée sur le sexe, l’âge, la race, la religion, le handicap ou le statut VIH / SIDA. En 1999, le Niger a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et le protocole facultatif de 2004 sur la violence contre les femmes. La panoplie de ces mécanismes vise à assurer une intégration effective du genre à tous les niveaux, et contribuer à la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes.
Mais, selon M. Boubacar Illiassou, membre du ROTAB « Pour relever le défi lié à la Politique Nationale Genre (PNG), il importe d’ouvrir un dialogue franc avec les leaders religieux et chefs coutumiers afin d’éviter ou mettre fin aux appréhensions qui lui font obstacle ». A cet effet, poursuit-il, « toute intervention en faveur de l’égalité de genre est un effort pour faire profiter le pays du potentiel de plus de la moitié de sa population composée de femmes. Le développement de notre pays ne se fera pas sans cette frange importante de sa population ».
Les recommandations de l’étude
Au regard de ce qui précède, beaucoup reste à faire dans la mise en œuvre de la Politique Nationale sur le Genre au Niger. C’est pourquoi, « l’Étude sur les investissements réalisés dans le cadre du genre pour l’année budgétaire 2017 » a recommandé la programmation d’importantes ressources pour le genre dans le budget national en général et dans celui des ministères ici concernés en particulier ; de libérer, d’engager et de décaisser la totalité du budget prévu pour le genre ; de respecter la loi sur le quota des femmes au sein de l’administration, de sensibiliser la population sur la Politique Nationale du Genre ; de bien discuter du sujet avec les leadeurs religieux pour éviter un quelconque soulèvement contre cette politique.
En marge de cette campagne de vulgarisation du document (Conférences, rencontres, Exposés, Débat) dans les régions de Tillabery, Dosso, Tahoua, Zinder et Agadez, les résultats de cette étude ont été également partagés avec les médias, sur les réseaux sociaux pour toucher plusieurs milliers de personnes tant en milieu urbain et rural au Niger.
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