La décrue du fleuve Niger devient critique


Quel lien avec le changement climatique ?

Le bassin du fleuve Niger, une des mamelles économiques et agricoles de neuf pays en Afrique de l’Ouest se trouve aujourd’hui menacé par l’ensablement et le dessèchement. Cette situation risque de compromettre l’alimentation en eau potable,   les activités agricoles mais aussi et surtout la production hydro-électrique, tant rêvée par le Niger via le Barrage Kandadji.

«Le fleuve coule au ralenti» la fameuse expression des nigériens. La pêche artisanale s’envole et les rizières blanchissent au détriment des pécheurs et agriculteurs qui deviennent plus en plus des nomades affamés. «Du jamais vu, la décrue du fleuve nous a rendu pauvres sans activité secondaire. Nous sommes habitués à la riziculture et à la pêche. Aujourd’hui tout s’envole au petit vent», déclare Elhadj Yacouba, un habitant de la rive droite de Niamey.

Couvrant  1,2 million km2, le Djoliba est constitué de deux grandes rivières: le fleuve Niger proprement dit, qui prend sa source en Guinée, passe par le Mali en traversant l’Afrique de l’Ouest plus la Bénoué, qui elle vient du Tchad et du Cameroun et rejoignant le fleuve au Nigéria, peu avant le delta maritime. Par son importance capitale,  il fait l’objet de très nombreuses études et de  surveillance permanente sous l’Autorité du Bassin du Niger (ABN), basée à Niamey. Depuis sa création en 1980, l’ABN s’investit dans les études hydrologiques qui portent essentiellement sur l’évaluation de la ressource en eau, sur des projets d’aménagements potentiels dans les domaines hydro-agricole et hydroélectrique ou encore sur la propagation des crues. Ces dernières décennies, les études portent encore plus sur l’impact du réchauffement climatique sur le bassin du fleuve Niger.  « La situation n’est pas malheureusement qu’au niveau du Fleuve Niger, elle touche tous les Bassins en Afrique, et c’est dû aux effets du changement climatique» a déclaré le Secrétaire Exécutif de l’Autorité du Bassin du Niger(ABN), Abderahim Birémé Hamid à sa sortie d’une audience le 17 mai 2018 avec Son Excellence Monsieur ISSOUFOU MAHAMADOU, Président de la République du Niger.

Décrue du fleuve et changement climatique, quel lien?

Tout d’abord, plusieurs études sous régionales ont montré des modifications de régime du fleuve, engendrées par  la baisse durable des pluies dans toute la région depuis 1970. Il pleut moins dans ces zones  fluviales et cela a des répercussions aussi sur le  niveau des nappes qui  a considérablement chuté dans les régions humides, entraînant une baisse accrue des débits.

Pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ce lien reste sceptique, mais le changement climatique reste toutefois une menace incontestée sur le régime hydrologique des zones arrosées par le fleuve. Selon les prédictions des scenarii climatiques du cinquième (5ème) rapport du GIEC, le réchauffement va particulièrement affecter les régions intertropicales, et plus particulièrement les zones arides et semi-arides, du fait notamment que la faible disponibilité en eau ne permettra pas de tamponner les effets de net. Ce réchauffement pourrait atteindre deux fois la valeur du réchauffement planétaire moyen et se traduire par une intensification importante du cycle hydrologique, renforçant les épisodes de sècheresses en cours de saison des pluies et l’occurrence de pluies extrêmes, avec des conséquences majeures sur la sécurité alimentaire et les inondations. Deux publications récentes (2014, 2017) de Panthou (Institut Pierre Simon Laplace) et Taylor (Université Joseph Fourier-Grenoble) tendent à accréditer que cette intensification est déjà en cours au Sahel et va en s’accélérant, sans que ni ce constat ni ses implications ne soient encore bien perçus par les populations, les décideurs et les politiques.

Même si l’esprit climato-scepticisme domine un certain nombre de scientifiques subsahariens, les effets du changement climat restent incontestablement visibles sur le régime du fleuve Niger. Presque tous les scenarii climatiques, même les moins optimistes confirment la crue et décrue importantes du fleuve, traduisant par la suite les sècheresses pendant la saison sèche et les inondations répétitives  pendant la saison pluvieuses dues aux dégradations des sols (sources des conséquences désastreuses de la sècheresse).

Il est  évident que l’ensablement indexé comme source de la décrue du fleuve n’est que l’une des conséquences des sols dégradés par les effets d’un climat changé et qui continue à changer.

 La décrue ou la crue du fleuve, ne pourront être gérées que par un engament commun en optant pour une «stratégie climat». Les plans nationaux d’adaptation aux changements climatiques doivent être révisés et appliqués afin de répondre positivement aux sonnettes d’alertes saisonnières du Djoliba. «Nous sommes tous une partie de la cause du changement climatique, mais nous sommes aussi une partie de la solution», a dit Bruno Lansard, Météorologue océanographe français.

Ismaila GARBA HAMIDOU